La nue-propriété : un investissement immobilier à long terme
Vous cherchez à investir dans l'immobilier à moindre coût et à préparer votre retraite ? L'achat en nue-propriété peut être une solution intéressante.
Ce mode d'acquisition original vous permet de devenir propriétaire d'un bien, sans pour autant en avoir la jouissance immédiate. Une stratégie payante sur le long terme, mais qui comporte aussi des contraintes. Guy Hoquet vous informe.
Définition : qu'est-ce que la nue-propriété ?
La nue-propriété est un droit réel immobilier qui confère à son titulaire la propriété d'un bien, sans lui en donner ni l'usage (usus) ni la jouissance (fructus).
C'est une forme de démembrement de propriété, qui sépare temporairement les prérogatives du propriétaire entre deux personnes :
- Le nu-propriétaire, qui a le droit de disposer du bien (abusus), c'est-à-dire de le vendre, de le donner ou de le léguer. Mais il ne peut pas l'occuper, le louer ou en percevoir les fruits tant que dure le démembrement.
- L'usufruitier, qui a le droit d'utiliser le bien (usus) et d'en percevoir les revenus (fructus), sans pour autant en être le propriétaire. Il peut occuper le bien, le louer et en récolter les fruits, mais il ne peut ni le vendre, ni le donner, ni le dénaturer.
La nue-propriété est donc un droit de propriété "nu", c'est-à-dire dépouillé de certains de ses attributs essentiels que sont l'usage et la jouissance. C'est un droit temporaire, qui a vocation à se réunir à l'usufruit pour reconstituer la pleine propriété à terme.
Ce démembrement peut résulter de trois causes :
- La volonté du propriétaire : donation ou vente de la nue-propriété à un tiers, avec réserve d'usufruit.
- Un fait juridique : succession légale au profit de plusieurs héritiers, l'un recueillant l'usufruit (conjoint survivant), les autres la nue-propriété (enfants).
- Une décision de justice : attribution préférentielle de l'usufruit au conjoint divorcé et de la nue-propriété à l'autre époux lors du partage de la communauté.
Exemple : Marc, 70 ans, est propriétaire d'un appartement à Paris. Pour aider son fils à se constituer un patrimoine, il lui donne la nue-propriété de ce bien, tout en s'en réservant l'usufruit. Pendant toute la durée de l'usufruit, Marc pourra continuer à occuper ou à louer l'appartement et à en percevoir les loyers. À son décès, son fils deviendra automatiquement plein propriétaire du bien, sans droits de succession à payer.
Comment acheter en nue-propriété ?
L'achat en nue-propriété est une opération immobilière qui consiste à acquérir un bien à prix réduit, en dissociant dans le temps la jouissance (pour l'usufruitier) et la propriété (pour le nu-propriétaire).
C'est une forme d'investissement à long terme, qui permet de se constituer un patrimoine immobilier en payant moins cher, quitte à ne pas pouvoir en profiter immédiatement.
Concrètement, il existe deux façons principales d'acheter en nue-propriété :
- L'achat auprès d'un vendeur-usufruitier : un particulier (souvent une personne âgée) vend la nue-propriété de son bien à un investisseur, tout en conservant l'usufruit sa vie durant. Le prix d'achat de la nue-propriété est alors décotée en fonction de la valeur et de l'âge de l'usufruitier (voir barème fiscal ci-dessous).
- L'achat dans un programme neuf en démembrement : un promoteur commercialise des logements neufs, en dissociant la vente de la nue-propriété (à des investisseurs) et de l'usufruit (à un bailleur social ou institutionnel qui s'engage à louer le bien pendant 15 à 20 ans). Le prix de la nue-propriété est alors de 40 à 60% moins cher que celui de la pleine propriété.
Dans les deux cas, l'acheteur ne devient plein propriétaire du bien qu'au terme de l'usufruit, sans verser de complément de prix. Pendant toute la période de démembrement, c'est l'usufruitier qui a la jouissance du bien et doit l'entretenir, l'assurer et en payer les charges (taxe foncière, charges de copropriété...).
Pour financer son achat, le nu-propriétaire peut recourir à un prêt immobilier classique, mais sur une quotité et une durée réduites. Les banques prêtent en général jusqu'à 70% du prix de la nue-propriété sur 15 à 20 ans maximum, avec un taux légèrement supérieur à celui d'un crédit standard.
Quels sont les avantages fiscaux de la nue-propriété ?
La nue-propriété présente plusieurs atouts sur le plan fiscal, tant en matière d'impôt sur le revenu que de droits de mutation ou d'IFI.
Une acquisition à moindre coût
L'achat en nue-propriété permet d'acquérir un bien à un prix inférieur à celui de la pleine propriété, grâce à la décote liée à la valeur de l'usufruit. Cette décote dépend de l'âge de l'usufruitier et de la durée du démembrement.
Barème fiscal d'évaluation de la nue-propriété et de l'usufruit :
Exemple : Pour l'achat d'un appartement de 200 000 € occupé par un usufruitier de 75 ans, le prix de la nue-propriété sera de 140 000 € (soit 70% de 200 000 €), représentant ainsi 30% de moins que le prix de la pleine propriété.
Une exonération d'IFI pendant le démembrement
Pendant toute la durée du démembrement, la nue-propriété est exonérée d'impôt sur la fortune immobilière (IFI), et ce quel que soit le nombre de biens détenus et leur valeur. Seul l'usufruitier est imposable à l'IFI sur la valeur de l'usufruit, calculée selon le barème applicable.
Exemple : Marc a une résidence principale de 800 000 € et un appartement en nue-propriété de 140 000 €. Son patrimoine immobilier taxable est de 800 000 €, inférieur au seuil d'imposition de l'IFI fixé à 1,3 M€. S'il détenait l'appartement en pleine propriété, son patrimoine serait de 1 M€ et il serait redevable de l'IFI.
Une absence de revenus fonciers imposables
Pendant la période de démembrement, le nu-propriétaire ne perçoit pas les loyers du bien, qui sont versés à l'usufruitier. Il n'a donc pas de revenus fonciers à déclarer. C'est l'usufruitier qui est imposable sur ces revenus, dans la catégorie des revenus fonciers (micro-foncier ou réel).
Une plus-value différée et réduite
En cas de revente du bien en cours de démembrement, le nu-propriétaire n'est pas imposable sur la plus-value, sauf s'il prend l'initiative de la vente (auquel cas il est taxé sur la plus-value attachée à la nue-propriété). S'il revend le bien après reconstitution de la pleine propriété, il peut imputer sur le prix d'acquisition la valeur de l'usufruit au jour où il en a bénéficié, et réduire ainsi la plus-value taxable.
Exemple : Le fils de Marc revend l'appartement 250 000 € cinq ans après en être devenu plein propriétaire. Sa plus-value imposable est de 250 000 € - 140 000 € (prix de la nue-propriété) - 60 000 € (valeur de l'usufruit acquis au décès de Marc) = 50 000 €.
Une transmission anticipée à moindre coût
Le démembrement de propriété permet à un propriétaire de transmettre un bien à ses héritiers de son vivant, en conservant l'usufruit et sans payer de droits de donation sur la valeur de celui-ci. Au décès de l'usufruitier, l'extinction de l'usufruit ne donne pas lieu à taxation. Le bien se trouve ainsi transmis en franchise de droits pour sa pleine valeur.
Exemple : En donnant à son fils la nue-propriété de l'appartement de 200 000 €, Marc réalise une économie de droits de donation de 18 194 € (droits calculés sur 140 000 € au lieu de 200 000 €). À son décès, aucun droit de succession ne sera dû sur cet appartement.
Ainsi, l'achat en nue-propriété est une solution pertinente pour préparer sa retraite et optimiser la transmission de son patrimoine. Mais il présente aussi des contraintes qu'il faut bien mesurer avant de se lancer.
Quels sont les inconvénients de la nue-propriété ?
Avant d'investir en nue-propriété, il faut être conscient des limites et des risques de ce type d'acquisition :
- Il faut acheter au comptant ou quasi-comptant, car les banques prêtent peu et cher sur ce type d'actif. Un apport personnel important est nécessaire.
- L'achat procure peu ou pas de revenus immédiats, puisque les loyers sont versés à l'usufruitier pendant la durée du démembrement. Il faut donc avoir d'autres sources de revenus pour faire face aux mensualités de crédit éventuelles.
- Le délai pour profiter du bien peut être long (15 à 20 ans dans le neuf, voire viager dans l'ancien), ce qui suppose d'avoir un horizon de placement lointain. En cas de besoin de liquidités, la revente de la nue-propriété peut être difficile et se faire à perte.
- Le nu-propriétaire n'a aucune maîtrise sur la gestion du bien pendant le démembrement. Il ne peut pas choisir le locataire, fixer le montant du loyer ou donner son accord pour des travaux. En cas de défaillance de l'usufruitier, il n'a pas de recours pour récupérer la pleine propriété par anticipation.
- Il existe un risque de vacance locative ou d'impayés si l'usufruitier ne trouve pas de locataire ou rencontre des difficultés. Le nu-propriétaire ne pourra pas pallier ce manque à gagner et devra attendre la fin de l'usufruit pour percevoir des revenus.
- À la reconstitution de la pleine propriété, le bien peut nécessiter des travaux de remise en état importants, à la charge du nu-propriétaire. Celui-ci devra les financer sur ses fonds propres ou par un nouveau crédit.
- En cas d'aléa de la vie (divorce, chômage, invalidité...), le nu-propriétaire peut se retrouver en difficulté pour faire face à ses engagements, sans pouvoir disposer du bien ni le vendre facilement.
L'achat en nue-propriété n'est donc pas une opération anodine. Il doit s'inscrire dans une stratégie patrimoniale globale, en adéquation avec ses objectifs, sa capacité d'épargne et son aversion au risque. Un conseil personnalisé auprès d'un notaire ou d'un gestionnaire de patrimoine est recommandé.
Guy Hoquet répond aux questions sur la nue-propriété
Qui paye les travaux dans un bien démembré ?
La nue-propriété est-elle comptée dans le calcul de l'IFI ?
Comment est taxée la revente d'une nue-propriété ?
Que se passe-t-il en cas de décès du nu-propriétaire ?
Un nu-propriétaire peut-il utiliser le bien avant la fin de l'usufruit ?
L’essentiel à retenir
- La nue-propriété est un droit de propriété démembré qui confère le droit de disposer d'un bien (usus) mais pas celui de l'utiliser (usus) ni d'en percevoir les fruits (fructus).
- Elle permet d'acheter un bien à prix réduit et d'en devenir plein propriétaire au terme de l'usufruit, sans verser de complément de prix.
- Elle offre des avantages fiscaux importants : exonération d'IFI pendant le démembrement, absence de revenus fonciers imposables, plus-value différée et réduite, transmission à moindre coût.
- Mais elle comporte aussi des contraintes : nécessité d'un apport personnel important, pas de revenus immédiats, délai long pour récupérer la pleine propriété, risque de vacance locative ou d'impayés, travaux à prévoir.
- L'achat en nue-propriété doit donc s'inscrire dans une stratégie patrimoniale globale, avec un horizon de placement long terme et une capacité à faire face aux aléas.
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