La succession : un mécanisme juridique de transmission du patrimoine au décès
Vous avez perdu un proche (parent, conjoint, frère, sœur...) qui possédait des biens et des dettes ? Vous allez devoir régler sa "succession", c'est-à-dire organiser la transmission de son patrimoine à ses héritiers selon des règles précises.
La succession est l'ensemble des règles juridiques qui organisent la dévolution (attribution) et le partage de l'actif et du passif d'une personne décédée entre ses ayants droit. C'est un mécanisme ancestral qui assure la pérennité des biens dans les familles.
Mais qui hérite et dans quelle proportion ? Quelles démarches accomplir lors d'un décès ? Et peut-on aménager sa future succession par des libéralités ? Éclairage par Guy Hoquet.
Définition : qu'est-ce qu'une succession ?
Une succession est la transmission de l'ensemble des biens et obligations d'une personne physique après son décès, à une ou plusieurs autres personnes appelées "héritiers" ou "ayants droit". Ce mécanisme est régi par les articles 720 et suivants du Code civil. L'idée centrale est qu'une personne qui décède (de cujus) ne disparaît pas totalement : son patrimoine (biens, droits, dettes, contrats...) lui survit et doit être recueilli par d'autres personnes dans l'ordre et la quotité prévus par la loi.
La succession porte sur une universalité juridique, c'est-à-dire un ensemble cohérent de biens et d'obligations formant une seule masse, quelles que soient leur nature et leur origine :
- Actif successoral : immeubles, meubles, comptes bancaires, valeurs mobilières, véhicules, créances, fonds de commerce, brevets, œuvres d'art...
- Passif successoral : emprunts, dettes fiscales et sociales, dettes ménagères, dettes successorales (frais funéraires, de dernière maladie, de partage...).
Elle s'ouvre au jour du décès, au dernier domicile du défunt (lieu d'ouverture) et se réalise en plusieurs étapes :
- Détermination des personnes appelées à hériter selon l'ordre légal ou les dispositions du défunt (testament, donation)
- Dévolution successorale (option des héritiers, transmission des biens et dettes, paiement des droits de succession...)
- Liquidation et partage de l'actif net entre les héritiers acceptants
Les héritiers ont le choix entre trois options successorales :
- L'acceptation pure et simple : l'héritier recueille l'actif et doit payer le passif, même au-delà de l'actif (risque d'hériter des dettes !)
- L'acceptation à concurrence de l'actif net : l'héritier n'est tenu des dettes que dans la limite des biens recueillis, après déclaration au greffe
- La renonciation : l'héritier renonce à tout, actif et passif (il est réputé n'avoir jamais été héritier)
La succession est un mécanisme d'ordre public qui obéit à des principes intangibles :
- On ne peut hériter d'une personne vivante (principe de réalité du décès)
- La succession n'est transmissible qu'au décès, pas avant (principe de prohibition des pactes sur succession future, sauf exceptions)
- Nul ne peut être héritier et légataire en même temps (principe d'interdiction du cumul)
- Les héritiers d'un même rang succèdent par parts égales (principe d'égalité successorale)
Mais le défunt peut organiser sa succession avant son décès par des actes de prévoyance (testament, donation, assurance-vie...) dans le respect de la réserve héréditaire de ses héritiers les plus proches. Une partie de la succession reste de son libre choix.
Les règles de dévolution successorale
Pour déterminer qui hérite et dans quelles proportions, il faut combiner les règles de la dévolution légale (fixée par la loi à défaut de volonté contraire du défunt) et de la dévolution volontaire (organisée par le défunt de son vivant).
La dévolution légale (ab intestat) repose sur 3 critères appliqués dans l'ordre :
- L’ordre des héritiers dans une succession en droit français est déterminé par le Code civil. Les héritiers sont classés en cinq ordres distincts : :
- les descendants (enfants, petits-enfants...)
- Conjoint survivant
- Les ascendants privilégiés (père et mère) et les collatéraux privilégiés (frères et sœurs et leurs descendants)
- Les ascendants ordinaires (grands-parents, arrière-grands-parents)
- les collatéraux ordinaires (tantes, oncles, cousins)
- La proximité du degré de parenté qui départage les héritiers au sein d'un même ordre, sachant que :
- Chaque génération forme un degré (ex : parent-enfant = 1er degré)
- On ne compte que des degrés de distance entre l'héritier et le défunt, pas entre héritiers
- Le mode de filiation (légitime, naturelle, adoptive), qui ne joue plus qu'un rôle marginal depuis la suppression des discriminations (sauf adoption simple).
Ainsi, à défaut de dispositions contraires, la succession est dévolue dans l'ordre aux descendants, collatéraux privilégiés, ascendants, collatéraux ordinaires jusqu'au 6e degré.
Au-delà, elle est attribuée à l'État qui a alors 10 ans pour l'accepter ou la refuser.
La dévolution volontaire permet au défunt de modifier cet ordre légal en attribuant tout ou partie de ses biens à des personnes de son choix, par :
- Testament (acte unilatéral révocable qui produit ses effets au décès) :
- Olographe (écrit à la main)
- Authentique (notarié)
- Mystique (secret)
- Donation (acte irrévocable qui prend effet du vivant du donateur) :
- Donation simple
- Donation-partage transgénérationnelle
- Donation graduelle ou résiduelle
- Institution contractuelle (donation de biens à venir) : permet de gratifier son conjoint marié
- Libéralité-partage : permet d'anticiper le partage de la succession
Mais ces dispositions ne doivent pas porter atteinte à la "réserve héréditaire", part minimale de la succession que la loi attribue obligatoirement aux héritiers réservataires (descendants, à défaut conjoint). La quotité disponible, librement attribuable par le défunt, varie selon le nombre d'enfants (1/2, 1/3, 1/4).
Le défunt peut aussi avantager certains héritiers par des legs (particulier, à titre universel, universel) ou à des tiers. Les héritiers lésés peuvent agir en réduction des libéralités excessives.
Le conjoint survivant, sans être un héritier, bénéficie de droits particuliers sur la succession :
En droit français, les droits des conjoints survivants dans une succession sont définis par plusieurs dispositions légales. En présence d'enfants communs, le conjoint survivant peut choisir entre l'usufruit de la totalité des biens existants dans la succession ou la pleine propriété du quart de ces biens. Si les enfants ne sont pas communs, le conjoint survivant n'a droit qu'à un quart en pleine propriété. En l'absence de descendants, le conjoint survivant hérite de la moitié de la succession en présence des parents du défunt, et des trois quarts si un seul parent est en vie. En l'absence de descendants et de parents, le conjoint survivant hérite de l'entière succession.
- Un droit d'habitation temporaire (1 an) et un droit d'usage du mobilier dans le logement conjugal
- Une pension de réversion sur les retraites et pensions du défunt
- Un droit à la créance d'aliments (si besoin)
Là encore, le défunt peut modifier la vocation successorale de son conjoint par des libéralités (donation au dernier vivant, testament, assurance-vie...), sans priver les héritiers réservataires de leur part.
D'où l'intérêt de bien connaître sa situation successorale pour l'optimiser !
Les démarches et formalités à accomplir lors d'une succession
Une succession implique de nombreuses démarches administratives, juridiques et fiscales pour les héritiers et proches du défunt.
Les principales étapes sont les suivantes :
- Faire établir un acte de décès par la mairie du lieu de décès (dans les 24 h) et organiser les obsèques (contrat obsèques, devis, concession...).
- Faire le choix de son option successorale dans les 4 mois du décès :
- Acceptation pure et simple par un acte exprès ou tacite (appréhension des biens)
- Acceptation à concurrence de l'actif net par une déclaration au greffe du tribunal
- Renonciation par une déclaration au greffe ou devant notaire
- Réunir les pièces nécessaires pour établir l'actif successoral : actes d'état civil, livret de famille, contrat de mariage, titres de propriété, relevés bancaires, factures, contrats, statuts de société... et le passif successoral : avis d'imposition, emprunts, cautionnements...
- Faire procéder à l'estimation des biens mobiliers (expertise) et immobiliers (estimation notariale) composant la succession.
- Choisir un notaire pour établir un acte de notoriété (attestant la dévolution successorale) et procéder aux formalités de publicité (interrogation du fichier des dispositions de dernières volontés, du fichier central des dispositions de dernières volontés...).
- Prendre contact avec les organismes détenant des fonds du défunt (banques, assurances, caisses de retraite...) pour les informer du décès et récupérer les sommes.
- Régler les dettes et charges de la succession : frais d'obsèques, de dernière maladie, d'actes, de mutation, impôts dus par le défunt et les héritiers, emprunts, factures, abonnements...
- Procéder avec le notaire à la liquidation et au partage de la succession :
- Calcul de la masse successorale (actif - passif)
- Détermination des droits de chaque héritier selon le régime matrimonial, la réserve et les libéralités
- Paiement des droits de succession (dans les 6 mois du décès)
- Attribution des biens (en nature ou par licitation) et soultes compensatrices
- Gérer la transmission des biens aux héritiers :
- Transcrire le transfert de propriété des immeubles (publication au fichier immobilier)
- Immatriculer les véhicules au nom des héritiers
- Clôturer les comptes bancaires du défunt et ouvrir ceux des héritiers
- Répartir le mobilier selon le partage (état estimatif)
- Gérer les éventuels litiges entre héritiers (action en contestation, en réduction de libéralités excessives...).
Ces démarches peuvent être longues et complexes, d'où l'intérêt d'être assisté par un notaire qui centralise les informations et organise le règlement de la succession. Ses honoraires sont partagés entre les héritiers.
L'administration fiscale intervient aussi pour percevoir les droits de succession dus sur l'actif net recueilli (après abattement) selon un barème progressif variant en fonction du lien de parenté. Des exonérations et réductions existent pour le conjoint, les enfants et petits-enfants.
L'anticipation successorale permet d'alléger la pression fiscale via des donations, assurances-vie et autres mécanismes d'optimisation. Un conseil patrimonial global peut être utile.
Guy Hoquet répond à vos questions sur la succession
Que se passe-t-il si le défunt n'a pas laissé de testament ?
Un héritier peut-il refuser sa part d'héritage ?
Comment se répartissent les frais d'obsèques ?
Quelles sont les sanctions en cas de dissimulation d'un bien successoral ?
- Sur le plan civil : il est réputé accepter la succession purement et simplement (perte du droit de renonciation), est privé de sa part sur le bien recelé qui est attribué aux autres héritiers, et peut voir sa part réduite pour atteinte à l'égalité du partage.
- Sur le plan pénal : il encourt jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 375 000 € d'amende pour recel, et 3 ans et 45 000 € pour omission déclarative (non révélation).
L'essentiel à retenir sur la succession
- La succession est la transmission de l'ensemble des biens et dettes d'une personne décédée (de cujus) à ses héritiers ou légataires selon un ordre et des proportions fixés par la loi.
- Elle est régie par les principes de prohibition des pactes successoraux, d'unité et d'égalité entre héritiers. Mais le défunt peut l'aménager par des libéralités (testament, donation) dans le respect de la réserve héréditaire.
- Les héritiers ont le choix entre 3 options : acceptation pure et simple, acceptation à concurrence de l'actif net, ou renonciation. Leur choix a des conséquences juridiques et fiscales importantes.
- Une succession implique de nombreuses démarches administratives, juridiques et fiscales pour les héritiers (acte de décès, inventaire, paiement des droits, partage...) qui peuvent s'étaler sur plusieurs mois voire années. L'assistance d'un notaire est souvent nécessaire.
- L'anticipation et l'optimisation successorales permettent d'alléger la pression fiscale (abattements, donations, assurance-vie...) et de faciliter la transmission aux proches. Un conseil patrimonial global est utile.
La succession est un moment charnière et potentiellement conflictuel dans la vie d'une famille. Sa préparation en amont est essentielle pour éviter les difficultés et transmettre sereinement. N'attendez pas qu'il soit trop tard pour vous pencher sur votre situation successorale et celle de vos proches !
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