Monument historique

Monument historique

Les monuments historiques : des trésors du patrimoine à préserver

Châteaux médiévaux, cathédrales gothiques, hôtels particuliers, fermes anciennes... La France regorge d'édifices remarquables qui témoignent de la richesse de son histoire et de son architecture. Reconnus d'intérêt public, certains bénéficient du statut protecteur de "monument historique". Un label prestigieux mais contraignant, qui s'accompagne d'obligations et d'avantages spécifiques pour les propriétaires.

Institué dès 1830, ce régime concerne aujourd'hui plus de 45 000 immeubles sur l'ensemble du territoire. De la modeste chapelle romane au prestigieux palais, il distingue les constructions présentant un intérêt historique, artistique ou architectural justifiant leur transmission aux générations futures.

Mais comment un bien devient-il monument historique ? Quels effets entraîne ce classement ? Et quelles sont les contreparties fiscales pour les détenteurs ? Focus sur ce dispositif d'exception avec Guy Hoquet.

Définition : qu'est-ce qu'un monument historique ?

Un monument historique est un immeuble ou une partie d'immeuble dont la conservation présente un intérêt public d'un point de vue historique, artistique, architectural, mais aussi technique ou scientifique. Il peut s'agir de bâtiments religieux, militaires, civils, industriels, agricoles... ainsi que de leurs décors et abords.
Cette notion a été consacrée par la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, qui fonde le régime juridique encore en vigueur aujourd'hui. Elle distingue deux niveaux de protection en fonction de la valeur patrimoniale du bien :
  • Le classement au titre des monuments historiques, qui concerne les édifices présentant un intérêt majeur pour le patrimoine national. Très protecteur, il entraîne un contrôle accru de l'État sur le bien. On compte environ 14 000 immeubles classés.
  • L'inscription au titre des monuments historiques, qui concerne les édifices d'intérêt suffisant pour en rendre désirable la préservation, sans justifier un classement. Plus souple, elle assure un suivi allégé par les services de l'État. On recense environ 32 000 immeubles inscrits.
Cette protection peut être totale (tout le bâtiment) ou partielle (uniquement une façade, une toiture, un escalier...). Elle s'étend aux décors intérieurs (fresques, boiseries, vitraux...) s'ils font historiquement corps avec l'édifice.
Le périmètre exact est précisé dans l'arrêté de protection pris par les autorités administratives après une longue instruction. Les abords du monument dans un rayon de 500 mètres sont aussi protégés.

Exemple : L'hôtel de Soubise à Paris, siège des Archives nationales, est classé aux monuments historiques depuis 1862. Sa façade sur cour, son portail d'entrée et la plupart de ses décors rocaille du 18ème sont concernés. Toute intervention nécessite l'accord de l'ABF (architecte des bâtiments de France).

La procédure de protection des monuments historiques

Pour qu'un bien soit protégé au titre des monuments historiques, il doit faire l'objet d'une procédure administrative assez longue et complexe, pouvant durer plusieurs années.

Elle débute généralement par une demande émanant du propriétaire de l'immeuble, de la commune, d'une association ou de l'État. Un dossier est constitué pour décrire l'édifice et justifier sa valeur patrimoniale.

Après une évaluation par les services régionaux du patrimoine, le dossier est transmis à la commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA). Composée d'élus, de fonctionnaires et d'experts, elle émet un avis consultatif sur l'opportunité d'une protection et son niveau (classement ou inscription).

Le préfet de région prend alors un arrêté d'inscription pour les protections simples, après avoir notifié son intention au propriétaire et recueilli ses observations. La protection prend effet immédiatement, même en cas de recours.

Pour les dossiers de classement (protections majeures), le préfet émet un avis et transmet le dossier au ministère de la Culture. Après examen par différentes commissions nationales, le classement est prononcé par arrêté ministériel si le propriétaire est d'accord, ou par décret en Conseil d'État en cas de désaccord. Le classement s'impose alors au propriétaire.

La décision finale est notifiée au propriétaire et à la commune, puis publiée au recueil des actes administratifs. Elle est aussi annexée au plan local d'urbanisme (PLU) et mentionnée dans l'acte de vente en cas de mutation du bien.

Tout au long de cette procédure, le propriétaire doit être informé du projet de protection et peut faire valoir ses observations. Mais l'administration peut passer outre son désaccord pour les monuments présentant un intérêt particulièrement important.

Les avantages fiscaux pour les propriétaires

Compte tenu des charges induites, le législateur a prévu plusieurs dispositifs fiscaux avantageux pour encourager les propriétaires privés à protéger et ouvrir leurs monuments.

Pour l'impôt sur le revenu, les monuments historiques ouverts au public (classés ou inscrits) permettent de déduire :

  • Les dépenses de travaux (restauration, accessibilité...) sans plafond, qu'ils soient exécutés ou subventionnés. Un agrément préalable est nécessaire au-delà de 500 000 €.
  • Les charges foncières afférentes au monument (taxe foncière, assurance, garde, entretien...) sans limitation.
  • Les éventuels déficits fonciers en résultant, imputables sur le revenu global sans plafond.

Pour les monuments non ouverts au public, seuls les travaux subventionnés sont déductibles, et les déficits imputables à hauteur de 10 700 € par an.

Pour l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), la valeur des monuments classés ou inscrits ouverts au public est exonérée à hauteur de 75%, sous conditions.

Pour les droits de mutation, les monuments font l'objet d'un régime de faveur :

  • Pour une vente, ils bénéficient d'une réduction de 50% des droits, voire de 75% en cas d'engagement d'ouverture au public pendant 10 ans.
  • Pour une donation aux descendants, la réduction atteint 60% si le monument est ouvert au public ou 40% s'il ne l'est pas. La donation doit inclure les meubles historiques attachés au monument.
  • Pour une succession, le monument peut être intégralement exonéré de droits s'il est ouvert au public et conservé pendant au moins 10 ans par les héritiers.

Ces avantages fiscaux sont soumis au respect d'un certain nombre de conditions (domicile en France, engagement d'ouverture au public, label, agrément...) et au contrôle de l'administration fiscale.

Ils permettent d'alléger significativement la charge financière liée à l'entretien et la transmission des monuments historiques privés. Un levier crucial pour impliquer leurs propriétaires dans la politique nationale de sauvegarde du patrimoine, en complément de l'action publique.

Guy Hoquet répond à vos questions sur les monuments historiques

Non, seule une minorité des 45 000 châteaux recensés en France sont protégés au titre des monuments historiques (environ 3000 classés et 5000 inscrits). Les autres sont de simples bâtisses privées sans valeur patrimoniale reconnue.
Non, tous les travaux modifiant l'aspect ou la structure d'un monument historique doivent faire l'objet d'une autorisation préalable (permis de construire, déclaration). Seul l'entretien courant reste libre. Le contrôle est plus strict pour un monument classé que pour un monument inscrit.
Le statut de monument historique est mentionné dans l'acte de vente du bien et dans le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. La liste des monuments classés et inscrits est aussi consultable en ligne sur la base Mérimée du ministère de la Culture et en préfecture.
La destruction totale ou partielle d'un monument historique est interdite, sauf déclassement préalable pour motif d'intérêt général. La démolition illégale est un délit pénal passible de 3 ans de prison et 45 000 € d'amende, ainsi que de la reconstruction à l'identique du monument.
Oui, l'acquisition d'un monument historique ouvre droit à plusieurs dispositifs de défiscalisation. Les travaux de restauration et les charges afférentes sont déductibles des revenus fonciers sans plafond. La valeur du monument est exonérée à 75% d'IFI. Les droits de donation et succession sont réduits de 50 à 100% sous conditions.

L'essentiel à retenir sur les monuments historiques

  1. Un monument historique est un immeuble présentant un intérêt public historique, artistique ou architectural et faisant l'objet d'un classement ou d'une inscription au titre de la loi de 1913.
  2. Près de 45 000 édifices bénéficient de ce statut protecteur en France, accordé au terme d'une procédure impliquant la CRPA (commission régionale du patrimoine et de l'architecture) et le préfet ou le ministre de la Culture.
  3. Ce classement entraîne un contrôle accru de l'État sur la conservation de l'édifice, se traduisant par des obligations (autorisation de travaux, entretien, ouverture au public...) et des avantages (subventions, assistance...) pour les propriétaires.
  4. Des dispositifs fiscaux en matière d'impôt sur le revenu (déduction des travaux et charges), d'IFI (exonération partielle) et de droits de mutation (réduction sur vente, donation et succession) encouragent la protection des monuments privés.
  5. Pour être éligible, le monument doit être ouvert au public et son propriétaire domicilié en France. Des justificatifs et agréments sont requis.

Porter un monument historique est un privilège autant qu'une responsabilité. C'est devenir le passeur d'un héritage inestimable entre passé et futur, au service de l'intérêt général. Un engagement exigeant mais ô combien gratifiant !

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