Le nantissement : une garantie efficace sur les biens meubles
Vous cherchez à garantir le paiement d'une créance ou l'exécution d'un contrat ? Vous souhaitez sécuriser un financement sans vous dessaisir de vos biens ? Et si vous recouriez au nantissement ? Cette sûreté réelle peu connue permet d'affecter un bien meuble en garantie d'une obligation, sans en perdre la jouissance. Un atout pour les entreprises et les particuliers.
Fonds de commerce, véhicules, valeurs mobilières, assurance-vie... De nombreux actifs peuvent être nantis au profit d'un créancier, qui pourra les réaliser en cas de défaut de paiement. Une garantie efficace et souple, qui évite le transfert de propriété du bien, contrairement au gage.
Mais comment mettre en place un nantissement ? Quelles sont ses modalités de constitution et d'exécution ? Et quels en sont les effets pour les parties ? Décryptage de ce mécanisme méconnu avec Guy Hoquet.
Définition : qu'est-ce que le nantissement ?
Le nantissement est une sûreté réelle mobilière par laquelle un débiteur affecte un bien meuble incorporel (valeurs, créances...) en garantie du paiement d'une dette ou de l'exécution d'une obligation, sans s'en dessaisir. Il confère au créancier un droit de préférence sur le bien en cas de défaillance du débiteur.
Anciennement synonyme de gage, le nantissement s'en distingue aujourd'hui par la nature incorporelle des biens concernés. Le gage porte sur des biens corporels (matériels, stocks...) dont la dépossession est nécessaire, tandis que le nantissement dispense de cette remise du bien au créancier.
Le nantissement est régi par le Code civil (art. 2355 et s.) qui en fait une sûreté mobilière à part entière, soumise à des règles de validité et d'opposabilité propres. Des régimes spéciaux s'appliquent à certains biens (fonds de commerce, parts sociales, assurance-vie...).
Cette garantie est très utilisée en matière de crédit aux entreprises, pour sécuriser les emprunts ou les crédits fournisseurs. Elle permet au débiteur de conserver la jouissance du bien nanti et son utilité économique, tout en offrant une protection au créancier. Le débiteur reste propriétaire du bien, mais ne peut plus en disposer librement.
Exemple : Pour financer l'achat d'un nouveau camion, un transporteur obtient un prêt de sa banque de 100 000 €. En garantie, il nantit son fonds de commerce évalué à 150 000 €. Il conserve la gestion de son entreprise, mais ne peut plus vendre ou louer son fonds sans l'accord de la banque. En cas de non-remboursement, la banque pourra faire vendre le fonds pour se rembourser.
Les biens susceptibles d'être nantis
A l'inverse du gage qui ne concerne que les meubles corporels, le nantissement porte uniquement sur des biens incorporels, c'est-à-dire des droits ou valeurs sans existence matérielle. Le Code civil dresse une liste limitative des biens nantissables :
- Les créances : droits de recouvrer une somme d'argent (factures clients, loyers, prêts en cours...)
- Les comptes bancaires : soldes créditeurs des comptes courants, épargne, titres...
- Les valeurs mobilières et titres financiers : actions, obligations, parts de SICAV ou de FCP...
- Les parts sociales de sociétés civiles (SCI, SCM...) ou commerciales (SARL, SNC...)
- Les fonds de commerce : ensemble des éléments corporels et incorporels affectés à une activité (enseigne, bail, clientèle, matériel, stocks...)
- Les films cinématographiques
- Les logiciels informatiques
- Les brevets d'invention et licences
Cette liste n'est pas exhaustive. Des lois spéciales ont étendu le champ du nantissement à d'autres biens comme les polices d'assurance-vie, les équipements professionnels, les stocks de produits agricoles ou industriels, les marques...
A l'inverse, certains biens sont exclus du nantissement car insaisissables : les créances incessibles (salaires, pensions...), les biens du domaine public, les attributs de la personnalité (nom, image...), les souvenirs de famille, etc.
Pour être valable, le bien nanti doit être dans le commerce juridique (négociable), disponible (non déjà nanti) et évaluable en argent (valeur déterminable). Il peut être présent ou futur (bien à venir).
Le débiteur doit avoir la capacité de disposer du bien nanti (propriété, droit réel). Le créancier doit avoir un intérêt légitime à garantir sa créance.
Les modalités de constitution du nantissement
Le nantissement se forme par la conclusion d'un contrat écrit entre le débiteur (constituant) et le créancier (bénéficiaire). Ce contrat doit contenir plusieurs mentions obligatoires :
- La désignation précise du bien nanti (nature, qualité, quantité, valeur...)
- Le montant de la créance garantie ou de l'obligation à exécuter
- L'identité et le domicile des parties
- La date de constitution du nantissement
Le contrat peut aussi prévoir d'autres clauses : durée du nantissement, interdiction de sous-nantir, droit de suite, pacte commissoire...
Le formalisme varie ensuite selon la nature du bien nanti :
- Fonds de commerce : inscription au registre du commerce et des sociétés (RCS) dans les 15 jours
- Parts sociales : signification à la société émettrice et publicité au RCS
- Valeurs mobilières : déclaration à la société émettrice ou à l'intermédiaire teneur de compte
- Créances : signification au débiteur cédé ou acceptation par acte authentique
- Films : inscription au registre public de la cinématographie et de l'audiovisuel
- Logiciels : dépôt à l'Agence de protection des programmes (APP)
- Assurance-vie : avenant signé du souscripteur, de l'assureur et du bénéficiaire
Le nantissement n'est opposable aux tiers qu'à compter de l'accomplissement de ces formalités.
La dépossession du bien nanti n'est plus obligatoire (sauf pour les films), mais elle peut être prévue par le contrat. Le créancier peut alors en confier la garde à un tiers convenu (séquestre).
Le nantissement est indivisible : il grève le bien dans son ensemble tant que la dette n'est pas intégralement payée. Il est accessoire à la créance garantie : il disparaît avec elle.
Les effets du nantissement
Une fois constitué, le nantissement produit des effets contraignants pour le débiteur :
- Interdiction de disposer du bien nanti (vente, location, donation...) sans l'accord du créancier
- Obligation de conservation du bien en l'état, sauf usure normale
- Responsabilité en cas de perte ou dégradation du bien par sa faute
- Entretien à sa charge des biens sujets à dépérissement
- Déclaration obligatoire de tout événement affectant le bien (sinistre, procédure collective...)
- Droit de suite au profit du créancier en cas de vente ou nantissement à un tiers
Il octroie en contrepartie au créancier un droit réel accessoire sur le bien nanti, qui lui confère deux prérogatives :
- Un droit de préférence pour se faire payer sur le prix de vente du bien, avant les créanciers chirographaires
- Un droit de suite pour saisir le bien en quelques mains qu'il se trouve, même en cas de vente
Ce droit est opposable aux autres créanciers du débiteur, y compris en cas de procédure collective (sauvegarde, redressement, liquidation). Il permet de soustraire le bien à leur concours.
En cas de défaillance du débiteur (non-paiement à l'échéance, inexécution...), le créancier peut réaliser le nantissement par plusieurs moyens :
- Attribution judiciaire : le tribunal transfère la propriété du bien au créancier à hauteur de sa créance
- Vente forcée : le créancier fait ordonner la vente du bien aux enchères publiques pour se payer sur le prix
- Pacte commissoire : clause permettant au créancier de devenir propriétaire du bien à l'amiable (sauf fonds de commerce)
Le nantissement cesse par l'extinction de la créance garantie (paiement, remise de dette...) ou par mainlevée du créancier. Il se reporte sur le bien de remplacement en cas de subrogation (indemnité d'assurance, prix de vente...).
Guy Hoquet répond à vos questions sur le nantissement
Le nantissement transfère-t-il la propriété du bien au créancier ?
Un particulier peut-il consentir un nantissement ?
L'essentiel à retenir sur le nantissement
- Le nantissement est une sûreté réelle mobilière par laquelle un bien meuble incorporel est affecté en garantie de paiement d'une dette, sans dépossession du débiteur.
- Il peut porter sur des créances, comptes bancaires, valeurs mobilières, parts sociales, fonds de commerce, films, logiciels, brevets, polices d'assurance-vie... Mais pas sur des biens corporels (gage) ou immeubles (hypothèque).
- Il se constitue par un contrat écrit contenant des mentions obligatoires, assorti de formalités de publicité variables selon le bien (RCS, signification, enregistrement...).
- Il confère au créancier nanti un droit de préférence pour se faire payer et un droit de suite pour saisir le bien. En cas de défaut, il peut en demander l'attribution judiciaire, la vente forcée ou le transfert amiable.
- C'est une garantie efficace et souple qui sécurise le créancier sans priver le débiteur de l'utilité économique du bien. Un atout pour le crédit des entreprises et des particuliers.
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