L'hypothèque : une garantie réelle sur un bien immobilier
Vous cherchez à emprunter de l'argent à une banque pour acquérir un bien immobilier (maison, appartement, terrain...) ? L'établissement prêteur vous demandera certainement de lui consentir une hypothèque sur le bien financé, en garantie du remboursement du prêt.
L'hypothèque est une sûreté réelle immobilière qui confère à un créancier (banque, État, particulier...) un droit de préférence et un droit de suite sur un bien immobilier appartenant à son débiteur, pour garantir le paiement d'une dette (prêt immobilier, dette fiscale...).
Mais comment fonctionne exactement cette garantie ? Quelles sont ses conséquences pour le débiteur et le créancier ? Comment s'inscrit-elle et se purge-t-elle ? Les réponses de Guy Hoquet.
Définition : qu'est-ce qu'une hypothèque ?
Une hypothèque est une sûreté réelle qui grève un bien immobilier (immeuble bâti ou non bâti) appartenant à un débiteur, au profit d'un créancier, pour garantir le paiement d'une créance. Son régime est prévu aux articles 2393 et suivants du Code civil.
Ses principales caractéristiques sont les suivantes :
- C'est un droit accessoire à une créance : elle ne peut exister sans une dette à garantir (prêt, dette fiscale, obligation de faire ou de ne pas faire...). Si la créance s'éteint, l'hypothèque disparaît.
- Elle est indivisible : elle porte sur la totalité du bien et de ses accessoires (améliorations, extensions...) jusqu'au complet paiement de la créance, même si celle-ci est divisée entre héritiers.
- Elle confère au créancier un droit de préférence et un droit de suite :
- Le droit de préférence permet au créancier d'être payé en priorité sur le prix de vente du bien, par préférence aux créanciers chirographaires et hypothécaires postérieurs.
- Le droit de suite permet au créancier de saisir le bien en quelques mains qu'il se trouve (acheteur, héritier...) pour faire vendre judiciairement et se faire payer.
- Elle prend rang à la date de son inscription à la Conservation des hypothèques (fichier immobilier) et non à la date de l'acte constitutif. L'ordre des inscriptions détermine l'ordre de paiement des créanciers.
- Elle peut être consentie par le débiteur (hypothèque conventionnelle) ou imposée par un créancier (hypothèque légale ou judiciaire). Son assiette et sa durée varient selon son origine.
- Elle n'entraîne pas de dépossession du bien pour le débiteur qui en conserve l'usage, les fruits et la disposition (sauf pacte commissoire). Mais il ne peut plus l'hypothéquer ou le vendre sans l'accord du créancier.
- Elle s'éteint principalement par l'extinction de la créance garantie, la péremption de l'inscription, la purge ou la renonciation du créancier. Une mention en marge doit en informer les tiers.
L'hypothèque est donc une garantie efficace pour le créancier qui lui assure un paiement prioritaire en cas de défaillance du débiteur. Mais c'est aussi un acte grave pour le constituant qui met en jeu son bien. Elle doit être consentie par acte notarié.
Exemple : Pour financer l'achat de leur maison à 300 000 €, Julie et Thomas souscrivent un prêt immobilier sur 20 ans auprès de leur banque. En contrepartie, ils lui consentent une hypothèque conventionnelle sur le bien, en garantie du remboursement. Si le couple ne paye plus ses mensualités, la banque pourra faire vendre le bien aux enchères pour récupérer sa créance, par priorité sur leurs autres créanciers. Une épée de Damoclès !
Les différents types d'hypothèques
Il existe trois grandes catégories d'hypothèques, selon leur source :
- L'hypothèque conventionnelle (ou contractuelle)
- C'est une hypothèque consentie par le débiteur (constituant) au créancier (bénéficiaire), par un acte notarié appelé "contrat hypothécaire".
- Elle peut être consentie par le débiteur lui-même ou un tiers (caution réelle) pour garantir la dette d'autrui.
- Son assiette (biens grevés) et sa durée (en général celle du prêt garanti) sont librement convenues entre les parties. Elle peut porter sur des biens futurs.
- Elle prend rang au jour de son inscription à la Conservation des hypothèques et doit être renouvelée tous les 10 ans (sauf clause contraire).
- Elle est souvent consentie en garantie d'un prêt immobilier pour l'achat ou la rénovation du bien hypothéqué.
- L'hypothèque légale
- C'est une hypothèque qui s'impose de plein droit, sans le consentement du débiteur, au profit de certains créanciers, en vertu de la loi.
- Ses principaux bénéficiaires sont :
- Les époux (l'un envers l'autre) pour la garantie des droits et créances résultant du mariage.
- Les personnes en tutelle sur les biens de leur tuteur.
- L'État, les départements et les communes pour la garantie des créances de toute nature (fiscales...).
- Les syndicats de copropriétaires sur les lots des copropriétaires pour les charges de copropriété.
- Elle porte sur tous les biens immobiliers présents et à venir du débiteur, sauf limitation judiciaire à certains biens.
- Sa durée est en principe celle de la créance garantie. Pour certaines hypothèques légales (époux, mineurs) l'inscription doit être renouvelée tous les 10 ans.
- L'hypothèque judiciaire
- C'est une hypothèque qui résulte de plein droit d'un jugement de condamnation à payer une somme d'argent (dommages-intérêts, pension alimentaire...) rendu par une juridiction civile, pénale, commerciale ou administrative.
- Elle peut être inscrite par le créancier sur les biens présents et à venir du débiteur condamné, sans le consentement de ce dernier.
- Elle prend rang au jour de son inscription définitive (après signification du jugement). Si le jugement est confirmé en appel, elle rétroagit au jour de l'inscription initiale.
- Sa durée est celle du jugement (en général 10 ans) et de ses renouvellements. L'inscription doit être renouvelée tous les 10 ans.
À ces trois types classiques s'ajoutent des formes particulières d'hypothèque :
- L'hypothèque rechargeable (art. 2422 C. civ.) qui permet de réaffecter une hypothèque conventionnelle à la garantie de nouvelles créances (dans la limite du montant initial), sans perte de rang.
- L'hypothèque de biens à venir qui permet à un créancier de prendre hypothèque sur un bien futur (en construction, en acquisition...) pour se garantir par avance.
- L'hypothèque sur un démembrement de propriété (nue-propriété, usufruit) et non sur la pleine propriété du bien.
- L'hypothèque consentie sur des parts de sociétés (SCI) attribuant à leur titulaire la propriété ou la jouissance d'un immeuble.
Chaque type d'hypothèque a ses conditions, son régime et ses effets propres. Un conseil notarial ou d'avocat est souvent précieux pour faire le bon choix !
L'inscription et la réalisation de l'hypothèque
L'hypothèque, quelle que soit son origine, n'est opposable aux tiers que si elle est publiée à la Conservation des hypothèques (ancien bureau des hypothèques) du lieu de situation de l'immeuble.
Cette formalité de publicité foncière suppose :
- De présenter au service chargé de la publicité foncière une copie exécutoire (grosse) de l'acte ou décision à publier (acte notarié, jugement...).
- De faire procéder à l'inscription de l'hypothèque par le conservateur sur le fichier immobilier (ex-registre des hypothèques) après paiement d'une taxe (0,05% du montant de la créance garantie).
- De faire délivrer par la Conservation un état hypothécaire attestant de l'inscription, de son rang et de sa durée de validité (en général 10 ans renouvelables).
Cette inscription permet d'assurer la sécurité des transactions en informant les tiers (acheteurs, créanciers...) des charges grevant le bien. Elle conditionne le rang de l'hypothèque et son efficacité.
Si le débiteur ne paye pas sa dette à l'échéance, le créancier hypothécaire impayé peut, après un commandement de payer resté infructueux pendant plus de 20 jours, engager une procédure de saisie immobilière pour faire vendre le bien aux enchères et se faire payer sur le prix.
Cette procédure complexe et longue se déroule en plusieurs étapes :
- Commandement de payer délivré par huissier au débiteur, lui rappelant son obligation de payer sous peine de saisie. Le commandement doit être publié au fichier immobilier.
- Saisie de l'immeuble et établissement d'un procès-verbal de description (PVD) par huissier qui constate l'état, la consistance et l'occupation du bien.
- Assignation du débiteur devant le juge de l'exécution pour faire constater la validité de la saisie et fixer la mise à prix et les conditions de vente du bien (cahier des charges).
- Vente aux enchères publiques à l'audience d'adjudication du juge de l'exécution, après publicité légale (insertion dans un journal d'annonces et apposition de panneaux). L'adjudication est prononcée au plus offrant, après extinction des bougies.
- Distribution du prix de vente entre les créanciers selon leur rang (ordre), après purge des inscriptions, dans le cadre d'une procédure d'ordre. Le créancier hypothécaire est payé avant les créanciers chirographaires.
Le débiteur saisi peut tenter d'éviter ou retarder la saisie en contestant sa régularité, en demandant des délais de grâce au juge, en sollicitant un effacement de dettes (surendettement)... Mais le droit de saisie du créancier hypothécaire reste très puissant.
D'où l'intérêt pour le débiteur d'être vigilant avant de consentir une hypothèque et de tout faire pour honorer ses engagements. Une vente amiable avant saisie est souvent préférable, même à perte !
Les effets et la mainlevée de l'hypothèque
Pendant toute sa durée, l'hypothèque produit des effets contraignants pour le débiteur qui a consenti cette sûreté :
- Interdiction de vendre le bien sans l'accord exprès du créancier hypothécaire (purge) ou sans lui signaler l'existence de l'hypothèque (mention dans l'acte).
- Interdiction de donner le bien hypothéqué, même à ses enfants, sans purger l'hypothèque.
- Interdiction de le louer sans mentionner l'existence de l'hypothèque au locataire, qui pourrait devoir libérer les lieux en cas de saisie.
- Interdiction de constituer une autre hypothèque de même rang sans l'accord du créancier initial.
- Interdiction d'en percevoir le prix de vente sans désintéresser le créancier hypothécaire inscrit.
L'hypothèque a aussi un coût fiscal et financier non négligeable pour le débiteur :
Des frais de notaire (acte authentique obligatoire) et de taxe de publicité foncière (0,05% du montant garanti) pour sa constitution et son renouvellement décennal. Une valeur vénale du bien grevé diminuée du fait de la garantie. Une "image négative" affectant la solvabilité et la réputation du débiteur, qui pourra plus difficilement obtenir d'autres crédits.
Pour se libérer de ces contraintes, le débiteur peut demander la mainlevée de l'hypothèque (radiation) une fois la dette entièrement payée, auprès du créancier qui ne peut la lui refuser.
La mainlevée prend la forme d'un acte notarié ou d'une attestation de paiement que le débiteur doit publier à la Conservation des hypothèques pour faire disparaître l'inscription.
Le débiteur peut aussi purger l'hypothèque en cours de dette, avec l'accord exprès du créancier, pour pouvoir vendre ou donner le bien avec un transfert de la garantie sur un autre bien ou sur le prix de vente. La purge est un droit pour l'acquéreur du bien grevé.
L'hypothèque s'éteint naturellement par le paiement de la dette garantie, la prescription de l'action en paiement (en général 10 ans) ou la péremption de l'inscription non renouvelée (10 ans). Une mention en marge doit informer les tiers.
Guy Hoquet répond à vos questions sur l'hypothèque
Puis-je hypothéquer un bien dont je suis seulement nu-propriétaire ?
L'hypothèque prend-elle fin en cas de décès de l'emprunteur ?
Un créancier peut-il prendre une hypothèque sans mon accord ?
- S'il bénéficie d'une hypothèque légale, qui lui est accordée de plein droit par la loi, sans formalité (ex : Trésor public).
- S'il a obtenu un jugement de condamnation contre vous lui permettant d'inscrire une hypothèque judiciaire sur vos biens présents et à venir.
Que faire en cas de demande de mainlevée abusive par le créancier ?
- Contester sa demande par courrier recommandé en exigeant la preuve de votre dette.
- Saisir le tribunal judiciaire pour faire constater l'extinction de la dette et ordonner la mainlevée sous astreinte.
- Porter plainte pour extorsion ou tentative d'escroquerie si le créancier use de menaces ou manœuvres pour vous forcer à payer.
- Signaler ces pratiques abusives à la DGCCRF ou à l'ACPR (autorité de contrôle) s'il s'agit d'un établissement bancaire.
L'essentiel à retenir sur l'hypothèque
- L'hypothèque est une sûreté réelle qui affecte un bien immobilier appartenant à un débiteur, en garantie du paiement d'une dette, en conférant au créancier un droit de préférence et de suite.
- Elle peut être conventionnelle (consentie par le débiteur), légale (accordée par la loi) ou judiciaire (résultant d'un jugement). Son assiette et sa durée varient selon son origine.
- Elle n'est opposable aux tiers que si elle est inscrite et publiée au fichier immobilier par le créancier. Elle prend rang au jour de cette inscription et doit être renouvelée tous les 10 ans.
- Elle permet au créancier impayé de faire saisir et vendre le bien grevé pour se faire payer par préférence sur le prix. Le débiteur ne peut plus le vendre ou le donner sans l'accord du créancier.
- Elle représente un coût et un risque important pour le débiteur qui ne doit la consentir qu'en connaissance de cause. Sa mainlevée doit être publiée une fois la dette payée.
L'hypothèque est une arme redoutable aux mains du créancier pour garantir sa créance. Mais c'est aussi une épée de Damoclès pour le débiteur qui met en jeu son patrimoine. À manier avec précaution ! L'avis d'un notaire est souvent judicieux.
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