Arrhes

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Les arrhes : un moyen de confirmer son engagement dans une transaction immobilière

Vous vous apprêtez à acheter ou vendre un bien immobilier ? On vous demande probablement de verser des "arrhes" pour valider votre engagement. Mais de quoi s'agit-il exactement ?

Les arrhes sont une somme d'argent remise par un acheteur à un vendeur pour confirmer son intention de conclure un contrat de vente. Elles matérialisent l'accord des parties et dissuadent les renoncements intempestifs.

Mais quelles sont les règles qui encadrent ce mécanisme ? Quels montants peuvent être prévus ? Et quelles différences avec d'autres notions proches comme les acomptes ou les indemnités d'immobilisation ? Explications de Guy Hoquet.

Définition : que sont les arrhes ?

Les arrhes sont une somme d'argent versée par un acheteur à un vendeur au moment de la conclusion d'un avant-contrat (promesse unilatérale ou synallagmatique de vente) pour prouver le sérieux de son engagement à acquérir un bien.

Elles ont une fonction confirmatoire : elles attestent de la volonté réelle des parties de finaliser la vente et les incitent à exécuter le contrat jusqu'au bout. Elles créent un lien de droit entre elles.

La qualification d'arrhes doit être expressément prévue dans le contrat. Une simple mention du type "Il sera versé des arrhes de X €" suffit. À défaut, le versement sera requalifié en acompte.

Le montant des arrhes est librement fixé par les parties. Il est généralement compris entre 5 et 10% du prix de vente dans l'immobilier. Il doit être suffisamment élevé pour dissuader les rétractations.

Elles sont remises au moment de la signature de l'avant-contrat (voire après le délai de rétractation SRU de 10 jours en cas de promesse d'achat d'un logement ancien) et constituent un premier paiement qui viendra en déduction du prix le jour de la vente.

Leur sort en cas d'inexécution du contrat est particulier :

  • Si l'acquéreur renonce à la vente, il perd les arrhes versées au profit du vendeur. 
  • Si le vendeur renonce à la vente, il doit restituer le double des arrhes à l'acquéreur (soit le montant initial multiplié par deux).

Ce mécanisme de "perte-gain" est prévu par l'article 1590 du Code civil. Il incite chacun à réfléchir avant de se rétracter. On parle "d'arrhes pénitentielles" (du latin "paenitentia" qui évoque le repentir).

Exemple : Paul et Marie projettent d'acheter un pavillon à 400 000 €. Après la signature de la promesse de vente, ils versent 20 000 € d'arrhes (5%) pour confirmer leur engagement. Si Paul et Marie renoncent, ils perdront leurs 20 000 €. Si c'est le vendeur qui renonce, il devra leur restituer 40 000 € (soit le double des arrhes). Un moyen de responsabiliser chacun !

Le régime juridique applicable aux arrhes immobilières

Les arrhes obéissent à des règles spécifiques dans le domaine de l'immobilier :

  • Elles doivent porter sur un contrat de vente conclu (avant-contrat signé), et non sur une simple offre ou un accord verbal. Sinon elles seront considérées comme un "dédit" ou un "pas-de-porte" sans valeur contraignante. 
  • Leur montant doit figurer clairement dans une clause du contrat, distincte des autres mentions. En cas de doute sur la nature du versement (arrhes ou acompte), le juge tranchera en fonction de l'intention des parties. 
  • Elles doivent être versées au moment de la conclusion de l'avant-contrat et non après, sauf accord express des parties. Un versement tardif sera requalifié en acompte. 
  • Elles permettent aux parties de renoncer librement au contrat sans avoir à justifier d'un motif légitime, en contrepartie d'une pénalité financière (perte ou restitution au double). 
  • En cas de réalisation de la vente, les arrhes s'imputent sur le prix à payer. Elles constituent un premier versement, contrairement à une indemnité d'immobilisation. 
  • En cas de refus de vendre, le vendeur doit restituer le double des arrhes même s'il prouve un préjudice supérieur (sauf clause pénale). C'est une sanction forfaitaire. 
  • En cas de refus d'acheter, l'acquéreur perd ses arrhes même s'il invoque un cas de force majeure (maladie, perte d'emploi...). C'est une pénalité dissuasive.

Il faut donc être vigilant dans la rédaction de la clause d'arrhes et bien mesurer les conséquences de cet engagement fort avant de le consentir. Le recours à un professionnel (agent immobilier, notaire) est vivement conseillé.

Bon à savoir : en cas de promesse de vente d'un logement ancien à un non-professionnel, l'acquéreur bénéficie d'un délai de rétractation de 10 jours (loi SRU) pendant lequel il peut renoncer sans perdre ses arrhes. Celles-ci ne pourront donc lui être réclamées qu'après ce délai.

Les différences entre les arrhes et les acomptes

Les arrhes sont souvent confondues avec d'autres notions proches comme les acomptes ou les indemnités d'immobilisation. Pourtant, leurs régimes diffèrent sensiblement :

Les acomptes :

  • Constituent un paiement partiel anticipé du prix de vente et non une garantie. 
  • Ils marquent un accord définitif de volonté et non une simple promesse. 
  • Leur montant est déduit du solde du prix à payer, comme les arrhes. 
  • Mais ils ne permettent pas aux parties de renoncer unilatéralement au contrat. 
  • En cas d'inexécution, la partie défaillante peut être contrainte judiciairement à finaliser la vente ("exécution forcée") et condamnée à payer des dommages-intérêts à l'autre. 
  • Les acomptes sont donc plus engageants et risqués que les arrhes en cas de rétractation.

Les indemnités d'immobilisation :

  • Permettent de réserver un bien pendant un certain délai moyennant un versement. 
  • Elles bloquent temporairement la vente au profit d'un acquéreur potentiel. 
  • Mais elles n'engagent pas les parties à signer et ne s'imputent pas sur le prix de vente. 
  • En cas de signature, elles sont restituées à l'acquéreur. Sinon elles sont conservées par le vendeur. 
  • Elles se rapprochent donc plus d'une option que d'arrhes confirmant une vente.

Il est crucial de bien qualifier la nature du versement dans le contrat pour éviter les confusions et adapter les clauses en conséquence. N'hésitez pas à demander des explications à votre interlocuteur !

Les précautions à prendre avant de verser des arrhes

Avant de vous engager à verser des arrhes, pensez à vérifier plusieurs points :

  • L'identité et la capacité du vendeur à vendre le bien (propriété, pouvoirs, régime matrimonial, procurations...). 
  • L'état et la consistance du bien (surface, travaux, servitudes, diagnostics...) via une visite minutieuse et des vérifications documentaires. 
  • La situation juridique du bien (hypothèques, saisies, occupation...) grâce à des demandes préalables (urbanisme, copropriété...). 
  • Le mode de financement envisagé (prêt bancaire, apport...) et votre capacité à payer le prix compte tenu de votre budget. 
  • La faisabilité de votre projet d'acquisition (délais, autorisations requises...) selon votre situation personnelle. 
  • L'évaluation du juste prix du bien en fonction du marché local (comparables, évolution des prix, potentiel...).

Autant de vérifications préalables qui vous éviteront de vous engager à la légère et de perdre vos arrhes en cas de renoncement ! L'avis d'un expert immobilier peut vous aider à valider ces points.

Veillez aussi à notifier votre décision (maintien ou refus de la vente) au vendeur avant l'expiration du délai prévu dans la promesse. Sinon les arrhes resteront acquises même si vous invoquez un motif légitime.

Bon à savoir : certaines promesses de vente prévoient un délai de validité de l'engagement des parties au-delà duquel elles sont libérées sans perdre ni verser d'arrhes. Vérifiez sa présence pour éviter les mauvaises surprises !

Guy Hoquet répond à vos questions sur les arrhes

Oui, si le bien vendu présente un défaut de conformité par rapport aux stipulations du contrat (surface inférieure à celle promise, absence d'un équipement garanti...), vous pouvez demander la restitution des arrhes sans pénalité. 
Il faut pour cela prouver l'existence et l'importance du défaut via un constat d'huissier, une expertise... Et mettre en demeure le vendeur d'y remédier sous un certain délai. 
S'il s'y refuse ou si le défaut est irrémédiable (vice caché), vous pourrez refuser de signer et récupérer vos arrhes sans contrepartie. Le vendeur ne pourra pas prétendre au double des arrhes car il n'aura pas respecté ses obligations contractuelles. 
Pensez à insérer dans la promesse une clause de conformité détaillant l'état du bien vendu et les éléments auxquels vous attachez de l'importance. Vous aurez ainsi une base légale pour agir.
Si la vente est empêchée par une cause extérieure à la volonté des parties (droit de préemption d'une collectivité, rescision pour lésion, annulation judiciaire...), le contrat est réputé n'avoir jamais existé
Les arrhes doivent alors être restituées à l'acquéreur sans pénalité ni contrepartie pour le vendeur. Celui-ci ne peut pas prétendre les conserver puisque l'échec de la vente ne lui est pas imputable.
De même, l'acquéreur est libéré de son engagement sans perte des arrhes puisqu'il n'est pas à l'origine de la rupture. Aucun ne peut réclamer de dommages-intérêts à l'autre sauf accord express.
Il est prudent de prévoir une clause de restitution des arrhes en cas de non-réalisation de la vente pour une cause légitime et d'énumérer ces causes (préemption, refus de prêt, servitude non déclarée...).
Si le vendeur conserve définitivement les arrhes suite à la renonciation de l'acquéreur, cette somme est considérée comme un profit imposable dans la catégorie des revenus correspondant au bien.
Ainsi, si les arrhes portent sur la vente d'un terrain à bâtir, elles seront imposées comme des revenus fonciers. Si elles portent sur la vente d'un immeuble bâti, elles suivront le régime des plus-values immobilières.
Le vendeur devra donc les déclarer dans sa déclaration de revenus de l'année de perception, en remplissant les formulaires adéquats (2042, 2042-C...). Il pourra déduire certains frais (agence, diagnostics...).
Rappelons que si la vente se réalise, les arrhes s'imputent sur le prix et n'ont pas de conséquence fiscale propre pour le vendeur. Elles constituent juste un premier encaissement.

L'essentiel à retenir sur les arrhes

  1. Les arrhes sont une somme d'argent versée par un acheteur à un vendeur pour confirmer son intention de conclure une vente. Elles prouvent le sérieux de l'engagement. 
  2. Leur montant, librement fixé, est généralement de 5 à 10% du prix dans l'immobilier. Il est remis à la signature de l'avant-contrat (promesse, compromis). 
  3. Elles permettent aux parties de renoncer au contrat en contrepartie d'une pénalité : perte des arrhes pour l'acheteur, restitution au double pour le vendeur. 
  4. Leur régime diffère des acomptes (paiement partiel sans faculté de dédit) et des indemnités d'immobilisation (réservation temporaire sans imputation sur le prix). 
  5. Avant de verser des arrhes, vérifiez la situation du bien et du vendeur, votre capacité financière, votre projet et le juste prix du marché. Insérez des clauses de conformité et de restitution. 
Les arrhes sont un levier efficace pour concrétiser une vente immobilière en responsabilisant les parties. Mais elles doivent être maniées avec précaution compte tenu de leurs implications juridiques et financières. Les conseils d'un professionnel sont précieux pour sécuriser leur usage !

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