État des lieux

État des lieux

L'état des lieux : un constat contradictoire pour encadrer la location

Vous vous apprêtez à emménager ou quitter un logement locatif ? Vous allez devoir participer à un "état des lieux" avec votre propriétaire ou son mandataire (agent immobilier).

Cette étape, obligatoire au début et à la fin du bail, vise à constater l'état du logement de manière contradictoire, c'est-à-dire avec les observations des deux parties. Elle sert de point de référence en cas de litige sur d'éventuelles dégradations.

Mais que doit contenir précisément ce document ? Quand et comment se déroule l'état des lieux ? Et peut-on le contester s'il est incomplet ou inexact ? Guy Hoquet vous guide.

Définition : qu'est-ce que l'état des lieux ?

L'état des lieux est un document écrit qui décrit de façon détaillée et objective l'état d'un logement loué, à deux moments clés :

  • Lors de l'entrée dans les lieux du locataire : c'est "l'état des lieux d'entrée" qui marque le point de départ de la location. 
  • Lors de la sortie des lieux du locataire : c'est "l'état des lieux de sortie" qui marque la fin de la location.   

Son objectif est de :

  • Fixer contradictoirement et précisément l'état du logement et de ses équipements à l'arrivée et au départ du locataire. 
  • Servir de preuve en cas de contestation sur l'origine ou la réalité de dégradations constatées en fin de bail. 
  • Faciliter l'évaluation des réparations locatives à la charge du locataire et justifier d'éventuelles retenues sur le dépôt de garantie. 
  • Éviter les litiges entre bailleur et locataire sur le partage des responsabilités et favoriser un règlement amiable des différends.

L'état des lieux doit donc être le plus exhaustif et fidèle possible à la réalité. Il doit mentionner aussi bien les éléments en bon état que ceux dégradés, manquants ou dysfonctionnels.

Son contenu est encadré par la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs et son décret d'application du 30 mars 1990. Il porte sur :

  • L'intérieur du logement : sols, murs, plafonds, portes, fenêtres, placards, installation électrique et sanitaire, système de chauffage, équipements spécifiques (cuisine, salle de bain...). 
  • Les locaux annexes : cave, garage, balcon, jardin, piscine... 
  • Les parties communes de l'immeuble en jouissance privative : ascenseur, escalier, local vélos/poussettes, vide-ordures...

Pour chaque élément, il décrit l'état de conservation, d'entretien et de fonctionnement. Il peut contenir des termes de vétusté définis dans le décret de 1990 : neuf, très bon état, bon état, état d'usage, état médiocre, mauvais état...

Il est daté et signé par les deux parties sur chaque page. Un exemplaire est remis à chacun. Des photos ou vidéos peuvent y être annexées pour renforcer son exactitude.

Exemple : À son arrivée dans un appartement, Anna fait l'état des lieux d'entrée avec le propriétaire. Ensemble, ils inspectent chaque pièce et notent : salon (parquet rayé, peinture écaillée), cuisine (carrelage fendu, four rouillé), chambre (moquette tachée, volets bloqués), salle de bain (robinet qui fuit, faïence fissurée)... Ils datent et signent le document, en double. Trois ans plus tard, Anna rend les clés : l'état des lieux de sortie servira à vérifier qu'elle a bien entretenu l'appartement, au regard de l'état initial.

Le déroulement et la portée de l'état des lieux

L'état des lieux doit être réalisé de façon contradictoire, c'est-à-dire en présence du bailleur et du locataire (ou de leur représentant). Chacun peut se faire assister d'un tiers ou d'un huissier, à ses frais.

Il est obligatoire aussi bien à l'entrée qu'à la sortie des lieux, que le logement soit vide ou meublé. Son absence peut être préjudiciable au locataire comme au bailleur.

Il doit être effectué de manière simultanée avec la remise des clés, sauf accord des parties ou cas de force majeure. S'il est fait de façon anticipée ou différée, il perd une partie de sa valeur probante.

Un état des lieux d'entrée peut être complété dans les 10 jours suivant l'arrivée, à la demande du locataire. Cela lui laisse le temps de repérer d'éventuels défauts cachés ou oublis.

Il ne doit pas être confondu avec :

  • Le diagnostic technique (performance énergétique, plomb, amiante, gaz, électricité...) fourni par le bailleur en amont pour informer le locataire, sans valeur contractuelle. 
  • L'inventaire du mobilier qui liste les meubles fournis dans un logement meublé. Il peut être intégré à l'état des lieux ou faire l'objet d'un document séparé annexé au bail.

Juridiquement, l'état des lieux a une valeur probatoire qui s'impose aux parties et au juge en cas de contentieux :

  • L'état des lieux d'entrée transfère la garde du logement au locataire. Il est présumé restituer le bien en l'état, sauf usure normale ou cas de force majeure. 
  • L'état des lieux de sortie détermine l'étendue des réparations locatives dues par le locataire. Le bailleur doit prouver que les dégradations dépassent la vétusté constatée à l'entrée. 
  • En l'absence d'état des lieux d'entrée, le logement est présumé avoir été délivré en bon état, sauf preuve contraire apportée par le locataire. Le bailleur peut difficilement imputer des dégâts. 
  • En l'absence d'état des lieux de sortie, le logement est présumé rendu en bon état, sauf preuve contraire apportée par le bailleur. Il ne peut pas retenir le dépôt de garantie.

Il est donc indispensable d'y consacrer le temps et le soin nécessaires, dans un esprit de transparence et d'objectivité. C'est un élément clé de la relation locative !

La contestation et la portée de l'état des lieux

L'état des lieux engage la responsabilité des signataires. Il est donc possible de le contester s'il apparaît incomplet, inexact ou frauduleux :

  • Le locataire peut demander un complément d'état des lieux d'entrée sous 10 jours après la remise des clés s'il constate des éléments dégradés non mentionnés (trou dissimulé par un meuble, fuite non apparente...). Le bailleur ne peut s'y opposer. 
  • Le bailleur peut refuser de signer un état des lieux de sortie qu'il juge imprécis ou trop favorable au locataire. Il doit alors en informer le locataire par lettre recommandée sous 15 jours. À défaut, l'état des lieux est considéré comme validé. 
  • Chaque partie peut saisir la commission départementale de conciliation (CDC) en cas de désaccord persistant sur le contenu, dans un délai de 3 mois suivant l'établissement de l'état des lieux. La CDC propose une solution amiable sous 2 mois. 
  • En dernier recours, il est possible de contester en justice un état des lieux non conforme à la réalité, en apportant des preuves (photos, vidéos, témoignages, factures...). Le juge peut ordonner un nouvel état des lieux sous contrôle d'un huissier.

Mais le plus simple reste d'être vigilant et exhaustif lors de la réalisation contradictoire de l'état des lieux, en n'hésitant pas à poser des questions ou demander des précisions à l'autre partie.

Un bon réflexe est de prendre des photos ou vidéos des lieux lors de l'état des lieux d'entrée et de sortie, que vous pourrez produire en cas de litige. Un constat visuel vaut souvent mieux qu'une longue description !

Pensez aussi à conserver précieusement votre exemplaire pendant toute la durée de la location, et même après. Il peut vous être utile pour justifier de votre bonne foi ou faire valoir vos droits.

Enfin, n'oubliez pas que l'état des lieux n'est pas une formalité anodine mais un acte important qui engage votre responsabilité. Prenez-le au sérieux et n'hésitez pas à vous faire assister d'un professionnel en cas de doute.

Guy Hoquet répond à vos questions sur l'état des lieux

Depuis la loi ALUR du 24 mars 2014, les frais d'établissement de l'état des lieux sont partagés entre le bailleur et le locataire. Lorsque l'état des lieux est réalisé à l'amiable par les parties ou par un tiers mandaté par elles, les honoraires sont partagés, avec un plafond pour la part incombant au locataire fixé par décret (actuellement 3 euros maximum par mètre carré de surface habitable. Si l'état des lieux ne peut être établi à l'amiable, il est réalisé par un huissier de justice à l'initiative de la partie la plus diligente, et les frais sont alors partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.
Non, l'état des lieux doit obligatoirement être fait de manière contradictoire, en présence des deux parties ou de leur mandataire (conjoint, agent immobilier, huissier...). Si votre propriétaire fait un état des lieux sans vous, il sera considéré comme nul et non avenu. Vous n'aurez pas à en supporter les conséquences.
S'il refuse de venir ou d'envoyer un représentant pour l'état des lieux de sortie, envoyez-lui une lettre recommandée pour lui proposer deux nouvelles dates. Sans réponse sous 8 jours, faites réaliser l'état des lieux par un huissier à vos frais (remboursés par le bailleur) et envoyez-lui une copie par courrier. S'il conteste, saisissez la commission de conciliation ou le juge.
Non, aucun texte ne prévoit la réalisation d'un état des lieux pendant la location, sauf accord spécial des parties. Vous ne pouvez pas obliger votre propriétaire à en faire un si vous constatez des problèmes (infiltration, fissure...). Mais rien ne vous empêche d'établir un constat avec photos à une date précise pour vous prémunir.

L'essentiel à retenir sur l'état des lieux

  1. L'état des lieux est un document contradictoire qui décrit en détail l'état d'un logement loué à l'entrée et à la sortie du locataire. Il est obligatoire et gratuit pour ce dernier. 
  2. Il doit être le plus exhaustif et objectif possible sur l'état des lieux et équipements, en notant aussi bien les éléments en bon état que dégradés. Des photos peuvent être jointes. 
  3. Il sert de preuve en cas de litige sur l'origine de dégradations et leur imputabilité au locataire. Son absence crée une présomption de bon état du logement à l'entrée et à la sortie.
  4. Il est daté et signé par les deux parties qui en conservent un exemplaire. Le locataire peut demander un complément sous 10 jours après l'entrée. Le bailleur peut refuser de signer la sortie sous 15 jours. 
  5. En cas de désaccord sur son contenu, les parties peuvent saisir la commission de conciliation sous 3 mois ou, en dernier recours, le juge. Mieux vaut être vigilant et rigoureux lors de sa réalisation !

L'état des lieux est un passage obligé de toute location, qu'il faut aborder avec sérieux et méticulosité. Bien réalisé, il est un gage de transparence et de sérénité pour la suite. Bâclé ou omis, il ouvre la porte aux conflits et frustrations. À vous de jouer pour en faire un allié précieux !

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