Les zones tendues : des territoires où le logement est un parcours du combattant
Vous cherchez à louer ou acheter un logement dans une grande ville ou sur le littoral ? Vous avez peu de chances d'y échapper : vous êtes sûrement en zone tendue ! Cette classification désigne les secteurs géographiques où l'offre de logements disponibles n'est pas suffisante pour couvrir la demande. Résultat : des loyers et des prix qui flambent, des biens qui partent en un clin d'œil et des ménages modestes exclus du marché...
Environ 28% de la population vit aujourd'hui en zone tendue. Elle se concentre dans les grandes métropoles (Paris, Lyon, Marseille, Lille...), en Île-de-France, sur la Côte d'Azur et le littoral atlantique. Mais la pression immobilière gagne aussi des villes moyennes et des territoires plus ruraux, au gré des nouvelles aspirations résidentielles post-Covid.
Comment savoir si l'on se trouve en zone tendue ? Quelles sont les villes concernées ? Quelles conséquences pour les locataires, les propriétaires et les politiques publiques ? Éléments de réponse avec Guy Hoquet.
Définition : qu'est-ce qu'une zone tendue ?
Une zone tendue est une commune ou une agglomération caractérisée par un fort déséquilibre entre l'offre et la demande de logements, se traduisant par des difficultés sérieuses d'accès au logement sur le parc locatif existant. Plus précisément, elle répond à au moins l'un des critères suivants :
- Le niveau des loyers et des prix d'achat y est anormalement élevé par rapport aux revenus des ménages, compte tenu des niveaux de prix observés sur l'ensemble du territoire.
- Le parc de logements disponibles n'y est pas suffisant pour répondre à la demande, en particulier celle des ménages aux revenus intermédiaires ou modestes.
- Le délai moyen d'attribution d'un logement social y dépasse le seuil jugé acceptable (10 mois).
- L'écart entre le niveau de loyer moyen dans le parc privé et le loyer plafond des aides au logement (APL) y est anormalement élevé.
Ce zonage a été instauré par un décret du 10 mai 2013 afin d'identifier les territoires où le marché du logement est particulièrement tendu et d'y concentrer certains dispositifs d'intervention des pouvoirs publics. Il se superpose à d'autres découpages plus fins comme les zones A/B/C (encadrement des loyers et aides au logement) et les zones 1/2/3 (prêt immobilier PTZ et dispositifs fiscaux).
Exemple : Avec un niveau de loyer moyen de 29 €/m² et des prix d'achat supérieurs à 10 000 €/m², Paris intra-muros est considéré comme une zone « super tendue » où seuls 20% des ménages ont accès au parc privé. Le délai d'attente pour un logement social y atteint 6 ans en moyenne.
Les communes situées en zone tendue
Le décret du 10 mai 2013 a fixé la liste des communes classées en zone tendue, sur proposition de l'État et des intercommunalités, au vu des indicateurs évoqués ci-dessus. Cette classification est actualisée chaque année par arrêté interministériel.
En 2023, 3 697 communes étaient reconnues comme tendues : https://www.declaloc.info/le-decret-n2023-822-listant-les-communes-en-zone-tendue-est-paru
La carte de France des zones tendues recoupe largement celle des métropoles les plus dynamiques sur le plan économique et démographique, ainsi que des littoraux touristiques. Mais elle ignore certains territoires ruraux ou périurbains où la pénurie de logements se fait aussi sentir.
Cette liste figure sur le site Internet du ministère chargé du Logement et peut être consultée en mairie. Elle sert de référence opposable pour l'application des dispositifs spécifiques aux zones tendues.
Les conséquences du classement en zone tendue
L'appartenance à une zone tendue emporte plusieurs incidences juridiques et fiscales, tant pour les locataires que les bailleurs et les collectivités :
- L'encadrement des loyers y est obligatoire (sauf expérimentation) afin de limiter leur augmentation d'une année sur l'autre et d'un bail à l'autre. Les loyers ne peuvent dépasser le loyer de référence majoré fixé par arrêté préfectoral.
- Le complément de loyer pour les logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort particulières y est interdit, sauf exceptions.
- La révision annuelle des loyers en cours de bail y est plafonnée à la variation de l'indice de référence des loyers (IRL) sur 12 mois, sans possibilité d'augmentation supérieure.
- La taxe sur les logements vacants y est majorée afin d'inciter les propriétaires à remettre leurs biens sur le marché locatif.
- La taxe sur les micro-logements (moins de 14 m²) y est applicable pour éviter la multiplication des locations exigues.
- Le dispositif fiscal Pinel pour l'investissement locatif neuf y est prorogé jusqu'en 2024, avec un taux de réduction d'impôt bonifié (12% pour 6 ans, 18% pour 9 ans, 21% pour 12 ans).
- Les locataires peuvent bénéficier du dispositif Visale d'Action Logement (garantie gratuite des loyers impayés) sans condition de ressources.
- Les communes de plus de 50 000 habitants doivent compter au moins 25% de logements sociaux sous peine de prélèvement sur leurs recettes fiscales.
- Le quota de construction de logements sociaux dans les programmes immobiliers neufs peut être porté jusqu'à 50% (au lieu de 25%).
- Le droit de préemption urbain peut être renforcé pour acquérir prioritairement des biens en vue de réaliser des logements sociaux.
Autant de règles dérogatoires destinées à réguler le marché locatif, à limiter la spéculation immobilière et à favoriser l'accès au logement des ménages modestes dans ces zones sous tension.
Mais leur efficacité reste à démontrer face à l'ampleur des besoins et aux effets pervers parfois induits (contournement des plafonds, discrimination...). La question du logement en zone tendue appelle une action publique volontariste et coordonnée sur plusieurs fronts.
Guy Hoquet répond à vos questions sur les zones tendues
Comment savoir si ma commune est en zone tendue ?
- La liste officielle annexée au décret du 10 mai 2013 (actualisée chaque année), disponible sur le site du ministère du Logement ou en mairie.
- La cartographie interactive proposée par certains sites spécialisés comme MeilleursAgents ou SeLoger.
- Les simulateurs d'aides au logement (CAF) ou de droits immobiliers (notaires) qui intègrent ce zonage.
Les petites villes et les villages sont-ils épargnés par les zones tendues ?
Quelles sont les aides au logement accessibles en zones tendues ?
- Les aides au logement "zonées" (APL, ALF, ALS) dont les plafonds de loyer et de ressources sont majorés de 10 à 20% par rapport aux zones détendues.
- Le dispositif "Louer abordable" qui permet aux propriétaires bailleurs de bénéficier d'un abattement fiscal sur leurs revenus locatifs (jusqu'à 85%) en contrepartie d'un loyer plafonné.
- Le prêt à taux zéro (PTZ) pour l'achat d'un logement neuf ou ancien avec travaux, dont le montant et la durée sont bonifiés en zones A et B1.
- Le bail mobilité (1 à 10 mois) réservé aux étudiants et salariés en CDD ou mutation pour faciliter leur accès à la location meublée.
- L'encadrement des loyers pour limiter leur niveau et leur hausse à la relocation ou en cours de bail.
- Les aides municipales ou départementales sous forme de primes, de prêts ou de cautionnements pour les ménages modestes.
L'essentiel à retenir sur les zones tendues
- Les zones tendues sont des communes ou agglomérations caractérisées par un fort déséquilibre entre offre et demande de logements, avec des loyers et des prix élevés, un manque de logements disponibles et des délais d'attente importants.
- Environ 1 150 communes sont classées en zone tendue, principalement en Île-de-France, sur la Côte d'Azur, en Corse et dans les grandes métropoles (Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse...). Mais des villes moyennes et certains littoraux sont aussi concernés.
- Ce zonage entraîne l'application de règles spécifiques pour les locataires et les bailleurs : encadrement des loyers, limitation des compléments et des révisions de loyer, majoration de la taxe sur les logements vacants...
- Il permet aussi de renforcer certains outils d'intervention publique : quotas de logements sociaux, droit de préemption urbain, aides fiscales à l'investissement locatif (Pinel)...
- Mais il peine à résorber les déséquilibres structurels du marché immobilier et les nouvelles fractures territoriales. Une politique du logement plus ambitieuse et équitable reste à inventer.
Plus que jamais, l'accès à un logement décent et abordable est un défi majeur pour les zones tendues et un facteur de cohésion sociale. Un combat dans lequel les professionnels de l'immobilier ont un rôle clé à jouer aux côtés des pouvoirs publics !
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