Assurance dommages-ouvrage

Assurance dommages-ouvrage

L'assurance dommages-ouvrage : une protection indispensable pour tout projet de construction

Vous envisagez de faire construire ou rénover un bien immobilier ? Vous allez devoir souscrire une assurance dommages-ouvrage (DO) avant l'ouverture du chantier. Cette assurance, obligatoire pour le maître d'ouvrage depuis la loi Spinetta de 1978, vise à prendre en charge rapidement les désordres relevant de la garantie décennale sans attendre un recours parfois long et incertain contre les entreprises responsables.

C'est une sécurité financière indispensable face aux risques inhérents à tout projet de construction : malfaçons, vices cachés, non-conformités... Elle complète utilement les autres garanties légales post-réception (parfait achèvement, bon fonctionnement).

Mais qui doit précisément souscrire cette assurance et pour quels chantiers ? Que couvre-t-elle exactement et comment fonctionne-t-elle ? Éléments de réponse avec Guy Hoquet.

Définition : qu'est-ce que l'assurance dommages-ouvrage ?

L'assurance dommages-ouvrage (DO) est un contrat d'assurance construction souscrit par le maître d'ouvrage (particulier ou professionnel) avant l'ouverture d'un chantier. Il a pour objet de garantir le préfinancement de la réparation des dommages relevant de la responsabilité décennale des constructeurs, sans recherche préalable de responsabilité. Plus précisément, la DO couvre deux types de sinistres :

  • Les dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage (fondations, murs porteurs, charpente, toiture...) ou qui le rendent impropre à sa destination (défaut d'étanchéité, fissures majeures, non-conformités graves...). Ils doivent survenir dans les 10 ans suivant la réception (garantie décennale). 
  • Les dommages affectant les éléments d'équipement indissociables de l'ouvrage (chauffage, électricité...) qui le rendent inhabitable ou inutilisable. Ils doivent apparaître dans un délai de 2 ans après réception (garantie de bon fonctionnement).

Son principe est simple : lorsque le maître d'ouvrage déclare un sinistre entrant dans ce champ, l'assureur DO missionne un expert pour constater les dommages et chiffrer le coût de reprise. S'il y a effectivement atteinte à la décennale, l'assureur indemnise le sinistré dans un délai de 60 à 90 jours, sans rechercher au préalable la responsabilité des constructeurs.

Il se retourne ensuite contre les assureurs des entreprises et artisans concernés (assureurs "Responsabilité Civile Décennale") pour récupérer le montant réglé, dans le cadre d'un recours subrogatoire. Cette procédure peut prendre plusieurs années mais elle est transparente pour le maître d'ouvrage qui a été indemnisé rapidement.

À noter : la DO ne couvre que les désordres de nature décennale, pas les défauts mineurs relevant de la garantie de parfait achèvement (finitions, malfaçons légères...). Elle ne couvre pas non plus les dommages immatériels, les pertes d'exploitation ou les préjudices financiers.

La souscription d'une DO est obligatoire pour tous les chantiers de construction neuve ou de rénovation lourde (ajout d'éléments neufs dans l'existant). Elle l'est aussi pour les chantiers de rénovation en copropriété, même sans ajout. En revanche, elle reste facultative pour les travaux d'entretien ou de réparation sur de l'existant.

Exemple : Marc fait construire sa maison avec un Contrat de Construction de Maison Individuelle (CCMI). Avant le début des travaux, il souscrit une DO auprès d'une compagnie d'assurance pour un montant correspondant au coût prévisionnel des travaux (250 000 €). Un an après la réception, il constate d'importantes fissures sur la façade qui s'avèrent être des désordres d'origine décennale. Il déclare le sinistre à son assureur DO qui l'indemnise rapidement à hauteur de 15 000 € pour reprendre la façade. L'assureur se retourne ensuite contre l'entreprise responsable pour récupérer cette somme. Marc a pu faire réparer rapidement sans avancer les frais.

Les modalités de souscription et de fonctionnement de la dommages-ouvrage

La souscription d'une assurance DO répond à certaines règles :

  • Elle doit être souscrite par le maître d'ouvrage, c'est-à-dire la personne physique ou morale pour le compte de laquelle les travaux sont réalisés. Il s'agit généralement du propriétaire du terrain à construire ou à rénover (particulier, SCI, copropriété...). 
  • La souscription doit intervenir avant l'ouverture du chantier, au plus tard à la date de déclaration d'ouverture de chantier (DOC). Certains assureurs exigent même la souscription avant la signature des marchés de travaux. 
  • L'assureur DO a l'obligation de proposer une offre dès lors que le chantier est assurable (licence d'assurance, attestations des entreprises...). Il ne peut refuser de garantir que les chantiers présentant des risques exceptionnels. 
  • Le montant de garantie doit correspondre au coût total de la construction tel qu'il ressort des devis et marchés de travaux. Il doit inclure la TVA, les honoraires et frais annexes. C'est le "coût d'objectif" qui servira de base à l'indemnisation. 
  • La prime d'assurance (cotisation) est un pourcentage du coût de la construction. Son taux varie selon le type de chantier, sa taille, sa complexité, la solidité des entreprises... Il est en moyenne de 2 à 5% du montant des travaux. La prime est payable en une seule fois à la souscription. 
  • L'assurance DO prend effet à la date de réception des travaux (ou à la date de résiliation/résolution des marchés) et pour une durée de 10 ans. Elle peut être prolongée à concurrence du délai de parfait achèvement (1 an supplémentaire). 
  • La garantie est transférable de plein droit aux propriétaires successifs de l'ouvrage (acquéreur, héritier...) pendant toute sa durée. Une information utile en cas de revente du bien !

En cas de sinistre, la procédure d'indemnisation est la suivante :

  1. Déclaration du sinistre par le maître d'ouvrage (ou l'acquéreur) à l'assureur DO dès sa constatation, par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR). Un dossier détaillé doit être constitué (contrats, plans, photos...).
  2. Constatation des dommages par un expert missionné par l'assureur qui détermine l'origine et l'étendue des désordres, les responsabilités encourues et le coût de reprise.
  3. Proposition d'indemnisation par l'assureur DO dans un délai de 60 jours (90 jours en cas d'expertise judiciaire) si les dommages relèvent bien de la garantie décennale. L'indemnité couvre le coût de réparation et les frais annexes (relogement, perte de loyers...) déduction faite d'une franchise.
  4. Versement de l'indemnité au maître d'ouvrage qui doit l'utiliser pour financer les travaux de reprise dans les plus brefs délais. Il doit justifier de leur réalisation effective sous peine de remboursement.
  5. Recours de l'assureur DO contre les assureurs des constructeurs responsables pour récupérer le montant réglé (action subrogatoire). Cette action peut aussi être engagée à titre conservatoire avant même l'indemnisation.

Cette procédure est d'ordre public. Toute clause du contrat qui y dérogerait serait réputée non écrite. Un rôle actif et de bonne foi de l'assuré est cependant requis (déclaration rapide, coopération, conservation des recours...).

L'intérêt et les limites de l'assurance dommages-ouvrage

L'assurance DO présente un triple intérêt :

  1. Pour le maître d'ouvrage, elle permet d'obtenir rapidement les fonds nécessaires à la réparation des gros désordres sans engager de procédure longue et coûteuse contre les constructeurs. C'est une sécurité financière en cas de défaillance de ces derniers. 
  2. Pour l'acquéreur de l'ouvrage, elle lui permet de bénéficier de la même couverture en cas de vente dans les 10 ans suivant la réception. L'assurance se transmet automatiquement. C'est un argument valorisant lors d'une revente. 
  3. Pour les entreprises et artisans, elle facilite l'indemnisation rapide de leurs clients en cas de mise en jeu de leur responsabilité décennale. Leurs assureurs auront moins de réticences à prendre en charge les sinistres. C'est bon pour la poursuite des chantiers et la réputation des professionnels.

Mais l'assurance DO a aussi quelques limites :

  • Son coût peut représenter jusqu'à 5% du montant des travaux, une charge difficilement compressible et rarement provisionnée par les particuliers. Certains sont tentés de sous-estimer la valeur déclarée pour minorer la prime, au risque d'une sous-assurance. 
  • Elle peut être difficile à obtenir pour les chantiers complexes, risqués ou utilisant des techniques non courantes. Certains assureurs sont frileux ou pratiquent des surprimes qui alourdissent la facture. 
  • Elle comporte des exclusions plus ou moins larges selon le contrat : dommages esthétiques, non-conformités tolérées, vices apparents à la réception... Il faut bien lire les clauses et souscrire au besoin des extensions. 
  • Son instruction peut prendre du temps en cas de sinistre complexe nécessitant une expertise technique poussée. Les délais d'indemnisation peuvent être allongés au-delà des 90 jours légaux.

Malgré ces réserves, l'assurance DO reste la clé de voûte de la sécurité financière des chantiers, complémentaire aux garanties légales. Sa souscription est une étape incontournable de la préparation de travaux dont il faut s'enquérir le plus en amont possible auprès d'assureurs spécialisés en construction.

Guy Hoquet répond à vos questions sur l'assurance dommages-ouvrage

Les contrats DO comportent généralement les exclusions suivantes : 
  •  Les dommages survenus avant la réception ou après l'expiration de la garantie (10 ans) 
  • Les désordres apparents à la réception et non signalés dans le procès-verbal 
  • Les dommages résultant de l'usure normale, de l'usage ou d'un défaut d'entretien du maître d'ouvrage 
  • Les dommages d'ordre esthétique qui ne compromettent pas la solidité ni la destination 
  • Les dommages causés par un sinistre naturel (catastrophe, mouvement de terrain) ou une guerre 
  • Les préjudices immatériels (perte de jouissance, trouble de voisinage...) et financiers (perte de revenus, surcoûts...) 
  • Les dommages aux éléments d'équipement non indissociables de l'ouvrage (mobilier, électroménager...) 
  • Les dommages aux ouvrages non soumis à l'obligation d'assurance (routes, voies ferrées, ouvrages de transport et distribution d'énergie...) 
Certaines de ces exclusions peuvent être rachetées par des clauses spécifiques (garantie des dommages immatériels, des éléments d'équipement...). Il faut les négocier à la souscription et s'attendre à une surprime.
En cas de Vente en l'État Futur d'Achèvement (VEFA), deux cas se présentent : 
  • Soit le vendeur est un professionnel (promoteur immobilier) : c'est alors lui qui a l'obligation de souscrire la DO avant l'ouverture du chantier. L'acquéreur n'a pas à la souscrire, sauf s'il réalise lui-même des travaux modificatifs.
  • Soit le vendeur est un particulier (auto-construction ou contrat avec un constructeur) : c'est alors l'acquéreur qui doit souscrire la DO au plus tard à la signature de l'acte authentique. Le chantier ne peut démarrer sans cette assurance. 
Il est donc crucial de vérifier l'existence et la conformité de l'assurance DO lors d'un achat sur plan, et de s'assurer de sa bonne transmission lors de la livraison. Votre notaire peut vous y aider.
L'assurance Responsabilité Civile Décennale (RCD) est souscrite par les entreprises de construction pour couvrir la mise en jeu de leur responsabilité décennale vis-à-vis du maître d'ouvrage en cas de dommages graves (art. 1792 du Code civil). Elle est obligatoire pour tous les corps d'état intervenant sur un chantier. 
L'assurance dommages-ouvrage est souscrite par le maître d'ouvrage pour garantir le préfinancement des travaux de réparation en cas de dommages de nature décennale. Elle intervient en complément de l'assurance RCD et avant même la mise en cause des constructeurs. Ces deux assurances forment le couple assurantiel de base de la construction depuis la loi Spinetta de 1978. Elles se combinent harmonieusement :
  •  L'assurance DO avance rapidement les fonds au maître d'ouvrage lésé, sans attendre la recherche de responsabilité. 
  • L'assurance RCD prend le relais pour indemniser l'assureur DO des sommes réglées, après détermination des responsabilités de chacun.
Leur articulation permet de concilier la protection des clients et la responsabilisation des constructeurs. Un équilibre subtil au service de la qualité des ouvrages !

L'essentiel à retenir sur l'assurance dommages-ouvrage

  1. L'assurance dommages-ouvrage (DO) est un contrat obligatoire souscrit par le maître d'ouvrage avant l'ouverture d'un chantier pour garantir le préfinancement des réparations en cas de dommages relevant de la responsabilité décennale des constructeurs. 
  2. Elle couvre pendant 10 ans les désordres qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, et pendant 2 ans ceux affectant les éléments d'équipement indissociables.
  3. Elle doit être souscrite pour un montant correspondant au coût total prévisionnel des travaux et moyennant une prime unique de 2 à 5% de ce montant. La garantie court à compter de la réception.
  4. En cas de sinistre, l'assureur DO missionne un expert et indemnise les dommages dans un délai de 60 à 90 jours s'ils relèvent bien de la décennale. Il se retourne ensuite contre les assureurs des constructeurs responsables.
  5. L'assurance DO présente un triple intérêt : une indemnisation rapide pour le maître d'ouvrage, une couverture transmissible aux acquéreurs successifs, une fluidification des recours entre assureurs. Mais son coût et ses exclusions peuvent en limiter la portée.

L'assurance dommages-ouvrage est la clé de voûte du régime d'assurance construction issu de la loi Spinetta. Malgré ses imperfections, elle offre une protection efficace aux maîtres d'ouvrage face aux aléas des chantiers. À souscrire sans hésiter en complément des autres garanties !

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