La garantie biennale : une protection complémentaire pour les équipements dissociables
Vous venez de faire construire ou rénover un bien immobilier ? Au-delà de la garantie décennale qui couvre les dommages graves à l'ouvrage, et de la garantie de parfait achèvement qui répare les désordres réservés à la réception, vous bénéficiez aussi d'une "garantie biennale" pour tous les éléments d'équipement dissociables.
Aussi appelée "garantie de bon fonctionnement", cette garantie légale oblige les constructeurs à réparer pendant 2 ans les désordres affectant les éléments ne faisant pas indissociablement corps avec l'ouvrage : radiateurs, chauffe-eau, portes, fenêtres, volets, robinetterie...
Mais quelles sont les conditions et le champ d'application de cette garantie ? Comment la mettre en œuvre face à un constructeur récalcitrant ? Éclairages par Guy Hoquet.
Définition : qu'est-ce que la garantie biennale ?
La garantie biennale (ou garantie de bon fonctionnement) est une garantie légale prévue par l'article 1792-3 du Code civil. Elle engage la responsabilité des constructeurs et fabricants pour les dommages affectant les éléments d'équipement dissociables d'un ouvrage pendant un délai de 2 ans après la réception des travaux.
Son champ d'application est donc différent de celui de la garantie décennale qui couvre la solidité et la destination de l'ouvrage lui-même, et de celui de la garantie de parfait achèvement qui répare les désordres apparents à la réception.
Les éléments d'équipement dissociables concernés sont ceux qui peuvent être enlevés, démontés ou remplacés sans détériorer l'ouvrage. Il s'agit par exemple :
- Des appareils de chauffage (radiateurs, chaudière, pompe à chaleur...)
- Des équipements sanitaires (baignoire, lavabo, WC...)
- Des équipements de plomberie (robinetterie, flexibles, évacuations...)
- Des menuiseries extérieures (portes, fenêtres, volets...)
- Des revêtements de sol (parquet, carrelage, moquette...)
- Des équipements de cuisine (évier, plaques, hotte...)
- Des équipements électriques (interrupteurs, prises, tableau...)
En revanche, les éléments indissociables de l'ouvrage (tuiles, charpente, cloisons, canalisations...) relèvent de la garantie décennale. En cas de doute sur la qualification, l'appréciation se fait au cas par cas selon des critères matériels et économiques.
Les dommages couverts par la garantie biennale sont ceux qui rendent l'équipement impropre à sa destination ou qui affectent son fonctionnement. Il peut s'agir par exemple de :
- Dysfonctionnements (panne, casse, fuite...)
- Non-conformités aux normes ou aux stipulations contractuelles
- Défauts de conception, de fabrication ou d'installation
- Incompatibilité entre les éléments et avec l'ouvrage
- Usure anormale par rapport à la durée de vie attendue
Comme pour la garantie décennale, les dommages doivent avoir une origine intrinsèque aux éléments concernés et être postérieurs à la réception. Les défauts apparents et les dommages dus à l'usure, l'entretien ou un usage anormal sont exclus.
La mise en jeu de la garantie biennale suppose de démontrer un vice caché existant à la réception et révélé dans les 2 ans. Mais elle n'implique pas de prouver une faute ou un manquement du constructeur : sa responsabilité est présumée.
Exemple : 1 an après la réception de sa nouvelle cuisine, Sophie constate que le mitigeur de l'évier fuit, que la porte du four ne ferme plus et que le plan de travail se décolore anormalement. Elle déclare ces désordres au cuisiniste qui doit les réparer gratuitement au titre de la garantie biennale de bon fonctionnement. S'il ne réagit pas, elle pourra le mettre en demeure puis l'assigner en justice.
Les modalités de mise en œuvre de la garantie biennale
La procédure pour actionner la garantie biennale est similaire à celle prévue pour la garantie décennale depuis la loi ELAN de 2018 :
- Le maître d'ouvrage (ou l'acquéreur) doit d'abord signaler les désordres aux constructeurs concernés et à leurs assureurs par écrit (LRAR, mail...) en les invitant à venir constater les dommages.
- Il doit ensuite leur adresser une demande écrite de réparation décrivant les désordres et proposant des modalités de reprise, en se fondant au besoin sur un constat d'huissier ou un rapport d'expert.
- Les constructeurs ont alors 3 mois pour répondre et indiquer s'ils acceptent ou non d'intervenir, et dans quel délai. Leur silence vaut refus implicite.
- En cas d'accord, les réparations sont programmées aux frais et sous la responsabilité des constructeurs. En cas de nouvel incident, un délai supplémentaire peut être accordé.
- En cas de refus, de silence ou de défaillance des constructeurs, le maître d'ouvrage peut les assigner en justice (tribunal judiciaire ou de proximité selon le montant) pour les faire condamner à réparer sous astreinte.
- En cas d'urgence (danger, trouble manifest), il peut aussi saisir le juge des référés (tribunal judiciaire) pour ordonner des mesures conservatoires immédiates (sécurisation, remplacement...) aux frais avancés des responsables potentiels.
Comme pour la décennale, ces actions doivent être engagées avant l'expiration du délai de 2 ans couvert par la garantie biennale. Au-delà, seuls les désordres évolutifs ou indissociables de l'ouvrage pourront être invoqués sur le terrain décennal.
La charge de la preuve pèse sur le maître d'ouvrage qui doit démontrer que les conditions de la garantie sont remplies : éléments dissociables, réception achevée, dommages postérieurs, impropriété à destination... En cas de doute, une expertise judiciaire peut être ordonnée.
Les constructeurs concernés sont ceux ayant réalisé ou installé les éléments d'équipement défectueux. Les fabricants et importateurs de ces éléments sont aussi responsables s'ils sont liés au maître d'ouvrage par un contrat de vente (EPERS).
La garantie biennale est d'ordre public, ce qui signifie qu'elle s'applique même sans stipulation contractuelle et ne peut être écartée. Les constructeurs ont l'obligation de souscrire une assurance responsabilité biennale pour couvrir ce risque.
Les avantages et les limites de la garantie biennale
La garantie biennale présente plusieurs intérêts pour le maître d'ouvrage :
- Elle le protège de façon automatique contre les vices et malfaçons affectant les éléments d'équipement essentiels au confort et à l'usage du bien, sans avoir à prouver une faute.
- Elle permet d'obtenir une réparation rapide et intégrale des désordres sans avoir à avancer les frais, sauf refus des constructeurs.
- Elle s'ajoute aux autres garanties légales (décennale, parfait achèvement) sans les remplacer, pour une couverture plus complète des dommages post-réception.
- Elle peut être transmise aux acquéreurs successifs du bien pendant sa durée de validité (2 ans), ce qui rassure en cas de revente précoce.
Mais elle comporte aussi certaines limites :
- Son champ est restreint aux équipements dissociables : les désordres affectant l'immeuble lui-même, ses éléments constitutifs ou ses équipements indissociables en sont exclus (garantie décennale).
- Sa durée est courte (2 ans) au regard de la durée de vie attendue de certains équipements. Au-delà, il faudra invoquer un vice caché ou la responsabilité contractuelle de droit commun pour agir.
- Sa mise en œuvre peut impliquer des frais et délais (expertise, procédure, intervention...) si les constructeurs sont réticents. Le remplacement préventif de l'élément défectueux est parfois préférable.
- Son efficacité dépend de la solvabilité et des garanties des constructeurs concernés. En cas de liquidation ou d'absence d'assurance, le maître d'ouvrage peut rester à découvert.
La garantie biennale est donc une protection utile mais perfectible des éléments dissociables d'un ouvrage. Mieux vaut aussi sécuriser leur bon fonctionnement en amont (choix de matériels fiables, réception précise, garanties fabricants...) qu'espérer une réparation curative !
Guy Hoquet répond à vos questions sur la garantie biennale
La garantie biennale est-elle obligatoire ?
Quelle est la différence avec la garantie décennale ?
Comment prouver qu'un dommage relève de la garantie biennale ?
Les désordres d'aspect sont-ils couverts par la garantie biennale ?
Puis-je obtenir des dommages-intérêts en plus des réparations ?
L'essentiel à retenir sur la garantie décennale
- La garantie biennale (ou de bon fonctionnement) est une garantie légale protégeant les éléments d'équipement dissociables d'un ouvrage pendant 2 ans après réception.
- Elle couvre les dommages qui rendent l’équipement impropre à sa destination ou qui affectent son fonctionnement.
- Pour la mettre en œuvre, le maître d'ouvrage doit signaler les désordres aux constructeurs concernés et leur demander d'y remédier sous 3 mois, au besoin en les assignant en justice.
- La responsabilité des constructeurs est présumée sans avoir à prouver une faute. Ils doivent souscrire une assurance couvrant ce risque. La garantie est transmissible aux acquéreurs.
- C'est une protection automatique et complémentaire à la garantie décennale, mais son champ et sa durée sont plus limités. Elle ne dispense pas d'une vigilance sur la qualité des équipements.
La garantie biennale est un des maillons du système de responsabilité et d'assurance construction issu de la loi Spinetta. Sa connaissance est indispensable pour faire valoir ses droits post-réception. Mais le mieux est encore de bien choisir ses équipements et prestataires pour limiter le risque !
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