Le déficit foncier : un levier fiscal attractif pour les investisseurs immobiliers
Vous êtes propriétaire bailleur et vous supportez d'importantes charges pour entretenir ou rénover votre bien locatif ? Votre revenu foncier est négatif car les loyers perçus ne couvrent pas vos dépenses ? Rassurez-vous, cette situation est fiscalement favorable grâce au mécanisme du déficit foncier. Ce dispositif vous permet de déduire les pertes de vos revenus fonciers voire de votre revenu global, réduisant ainsi votre impôt. Un levier intéressant pour les investisseurs immobiliers.
Pour en bénéficier, vous devez être propriétaire d'un logement donné en location nue et opter pour le régime réel d'imposition des revenus fonciers. Travaux de réparation, intérêts d'emprunt, primes d'assurance... Toutes les charges supportées pour le bien sont déductibles des loyers, avec certaines limites et conditions.
Mais comment calculer le déficit foncier ? Dans quelle limite peut-on l'imputer sur le revenu global ? Et quelles sont les précautions à prendre pour sécuriser son avantage fiscal ? Décryptage par Guy Hoquet de ce régime prisé.
Définition : qu'est-ce que le déficit foncier ?
Le déficit foncier désigne la situation dans laquelle les charges déductibles afférentes à un bien immobilier donné en location excèdent le montant des loyers perçus au cours d'une même année. Ce déficit constitue une perte qui peut être imputée selon des règles fiscales précises.
Il concerne les propriétaires bailleurs relevant du régime réel (et non micro-foncier) d'imposition des revenus fonciers (catégorie fiscale des loyers), par option ou obligation (recettes > 15 000 €).
Le déficit foncier se distingue :
- du déficit de trésorerie (loyers
- des moins-values immobilières (prix de vente
- du déficit d'imputation en cas de travaux sur un bien non loué dans les 12 mois
Le dispositif fiscal du déficit foncier est régi par l'article 156-I du Code général des impôts (CGI). Il vise à encourager l'entretien et la rénovation du parc locatif privé, en permettant de déduire les dépenses des revenus.
Il s'applique aux personnes physiques (particuliers) qui donnent en location nue (non meublée) un immeuble bâti (appartement, maison) ou non bâti (terrain). Les locations meublées ou saisonnières, les biens professionnels et les monuments historiques en sont exclus.
Pour en bénéficier, les loyers et charges du bien doivent être déclarés dans la catégorie des revenus fonciers (déclaration n°2044) selon un régime de déduction des charges réelles (et non au forfait de 30%).
L'avantage fiscal peut être substantiel : jusqu'à 10 700 € de déficit foncier déductible du revenu global chaque année, au-delà reportable sur les revenus fonciers des 10 années suivantes. De quoi réduire sensiblement son impôt sur le revenu.
Exemple : Paul achète un appartement ancien de 100 000 € qu'il loue nu 500 €/mois, soit 6 000 €/an. La 1ère année, il engage 25 000 € de travaux de rénovation et paye 4 000 € d'intérêts d'emprunt, 1 000 € d'assurance et 2 000 € de taxe foncière. Son déficit foncier est de 26 000 € (25000 4000 1000 2000-6000). Il pourra déduire 10 700 € de son revenu global et reporter 15 300 € sur ses revenus fonciers futurs.
Le calcul du déficit foncier
Le déficit foncier d'une année se calcule en faisant la différence entre les revenus fonciers et les charges déductibles afférentes au bien loué, selon la formule :
Déficit foncier = Σ Charges - Σ Loyers
Sont pris en compte au titre des revenus :
- Les loyers perçus ou à percevoir (bruts)
- Les recettes accessoires (droit d'affichage, de chasse...)
- Les éventuelles subventions ANAH pour travaux
- Les éventuelles indemnités d'assurance en cas de sinistre
Sont déductibles au titre des charges :
- Les dépenses de réparation et d'entretien : travaux de remise en état, d'amélioration ou de mise aux normes (électricité, plomberie, chauffage, huisseries, ravalement, toiture...) à l'exclusion des travaux de construction et reconstruction
- Les frais de gérance et de rémunération des gardes et concierges
- Les primes d'assurance contre les loyers impayés, les dégâts et la vacance locative
- Les impositions (taxe foncière, taxe d'enlèvement des ordures ménagères...)
- Les intérêts d'emprunt immobiliers (achat, amélioration)
- Les frais de procédure (recouvrement des loyers, expulsion...)
- Les frais de déplacement et de correspondance
- Les éventuels travaux d'urgence (mises aux normes, salubrité)
Pour les immeubles en copropriété, les provisions pour charges versées au syndic ne sont pas déductibles l'année de leur versement. Seules les dépenses effectives sur justificatifs le sont.
Certaines dépenses doivent faire l'objet d'une réintégration progressive (étalement) si elles excèdent 15 000 € :
- sur 3 ans pour l'amélioration de l'isolation acoustique
- sur 5 ans pour l'économie d'énergie
- sur 10 ans pour la restauration complète d'immeubles en ruine
Le déficit se calcule pour l'ensemble des biens fonciers d'un même foyer fiscal. En cas d'acquisition ou de cession en cours d'année, le calcul se fait au prorata temporis de la durée de détention.
Les modalités d'imputation du déficit foncier
Une fois calculé, le déficit foncier s'impute selon deux mécanismes complémentaires :
- Imputation sur le revenu global dans la limite de 10 700 € par an. La fraction du déficit inférieure à ce plafond vient en déduction du revenu imposable, tous revenus confondus (salaires, BIC, pensions...). L'excédent est reportable.
- Report sur les revenus fonciers des 10 années suivantes pour la fraction qui dépasse 10 700 €. Le déficit non imputé une année peut être déduit des revenus fonciers positifs dégagés dans les 10 ans qui suivent, jusqu'à épuisement.
Le déficit foncier n'est donc pas "perdu", il peut être utilisé pendant 10 ans pour gommer les bénéfices fonciers ultérieurs. Un couple marié ou pacsé peut cumuler le plafond (21 400 €/an).
L'imputation est automatique : le fisc déduit le déficit du revenu global (dans la limite de 10 700 €) puis reporte le surplus. Le contribuable peut y renoncer une année s'il n'y a pas intérêt (revenus faibles) pour le conserver.
En cas de monument historique, le déficit foncier est imputable sans limitation sur le revenu global s'il est ouvert au public ou imputé sur les revenus fonciers s'il ne l'est pas.
Attention, le déficit foncier n'a d'intérêt que si le contribuable est imposable une année donnée. Sinon, il ne procure aucun gain fiscal immédiat (mais reste reportable).
Exemple (suite) : Avec 26 000 € de déficit foncier, Paul pourra déduire 10 700 € de ses 50 000 € de salaire imposable. En supposant une TMI de 30%, son gain fiscal sera de 3210 € (10700 x 30%) cette année. Il reportera 15 300 € de déficit sur ses loyers des 10 prochaines années (500 € x 12 = 6000 €/an) soit une économie potentielle de 4590 € (15300 x 30%).
Les limites et précautions à prendre
Si le déficit foncier est un dispositif fiscal attractif, il comporte aussi certaines limites et risques à connaître :
- Il suppose un effort d'épargne initial important pour financer les travaux et charges (apport, emprunt), en attendant un retour sur investissement long (10-15 ans).
- Il implique de trouver un locataire fiable qui paye ses loyers et n'occupe pas le bien. Un logement vacant ne génère pas de déficit foncier.
- Il nécessite un suivi comptable et fiscal rigoureux (factures, avis d'imposition, déclarations 2044 et 2042) ainsi que des conseils adaptés pour optimiser l'imputation.
- Il peut générer un déficit reportable important qui met des années à s'imputer, en cas de travaux et charges élevés par rapport aux loyers.
- Il expose au risque de redressement fiscal en cas de déduction abusive de charges (travaux somptuaires, destinations mixtes...) ou de disproportion manifeste avec les loyers.
Mieux vaut donc bien calibrer son déficit foncier (pas plus de 3-4 ans de loyers) et mixer avec d'autres leviers fiscaux (Pinel, Malraux, LMNP...) pour ne pas abuser d'un régime déjà généreux mais réglementé.
Guy Hoquet répond à vos questions sur le déficit foncier
Quelles sont les conditions pour bénéficier du déficit foncier ?
- Donné en location nue (et non meublée ou saisonnière)
- Déclaré dans la catégorie des revenus fonciers (et non BIC)
- Soumis au régime réel (et non micro-foncier) d'imposition
- Générateur de charges > loyers au cours de la même année
- Non affecté à un usage personnel ou mixte par le propriétaire
- Pour l'imputation, le contribuable doit être imposable au barème
Faut-il apporter tous ses justificatifs de travaux au moment de la déclaration ?
En revanche, ces justificatifs doivent être conservés pendant 3 ans et tenus à la disposition de l'administration fiscale en cas de contrôle. Mieux vaut donc les classer soigneusement année par année.
L'essentiel à retenir sur le déficit foncier
- Le déficit foncier est un dispositif fiscal qui permet aux bailleurs de déduire les pertes locatives de leur revenu imposable pour réduire leur impôt, sous conditions.
- Il suppose de louer le bien nu, de déclarer au réel et d'avoir des charges (travaux, intérêts...) supérieures aux loyers sur une même année.
- Le déficit est imputable sur le revenu global dans la limite de 10 700 € par an, et sur les revenus fonciers des 10 années suivantes pour l'excédent reportable.
- C'est un levier fiscal puissant mais qui suppose un effort d'épargne initial et la pérennité des loyers sur la durée du report pour en tirer tous les fruits.
- Des précautions (éligibilité, suivi, conseils) et une bonne gestion locative (sélection, vacance) sont nécessaires pour sécuriser et optimiser le dispositif sans tomber dans l'excès.
Propriétaires bailleurs, le déficit foncier est un atout fiscal à découvrir et maîtriser pour rénover et rentabiliser votre patrimoine ! Mais en le dosant avec discernement et professionnalisme.
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