
Les ZAD : des réserves foncières pour les projets d'aménagement futurs
Vous avez un projet urbain d'envergure (zone d'activités, équipement public, opération de logement...) qui nécessite de maîtriser progressivement le foncier avant sa réalisation ? Vous souhaitez éviter la spéculation immobilière et les acquisitions intempestives dans le périmètre pressenti, sans pour autant acheter tout de suite ? La Zone d'Aménagement Différé (ZAD) est faite pour vous !
Ce dispositif d'intervention foncière permet à une collectivité de délimiter un secteur stratégique où elle pourra préempter en priorité pendant plusieurs années, au fur et à mesure des ventes. Un moyen de constituer des réserves foncières de longue haleine, sans grever son budget ni figer les transactions.
Mais comment créer une ZAD et définir son périmètre ? Quels projets peuvent en justifier l'instauration ? Et quelles sont ses conséquences pour les propriétaires concernés ? Réponses avec Guy Hoquet.
Qu'est-ce qu'une Zone d'Aménagement Différé (ZAD) ?
Une Zone d'Aménagement Différé (ZAD) est un secteur géographique créé par décision administrative afin de "geler" temporairement le prix des terrains et d'octroyer un droit de préemption à une collectivité publique pour la réalisation d'une opération d'aménagement. C'est un outil de maîtrise foncière anticipée.
Elle est régie par les articles L.212-1 et suivants du Code de l'urbanisme, issus de la loi du 26 juillet 1962 modifiée. La ZAD se distingue du droit de préemption urbain "classique" à plusieurs titres :
- Elle peut être créée sans document d'urbanisme préexistant (PLU) et en dehors des zones urbaines ou à urbaniser.
- Son périmètre est délimité sur mesure en fonction des besoins du projet, sans coïncider avec le zonage du PLU.
- Sa durée initiale est de 6 ans renouvelables (au lieu de la durée du PLU).
- Elle confère à la collectivité un droit de préemption sur tout terrain bâti ou non bâti, quelle que sa superficie.
- Le prix d'achat est plafonné à la valeur vénale à la date de création de la ZAD, sans prise en compte des plus-values liées au projet.
La ZAD est un préalable à la Zone d'Aménagement Concerté (ZAC) qui permet, elle, de réaliser concrètement l'opération (remembrement, aménagement, équipement et cession des terrains). Les deux dispositifs sont souvent combinés, la ZAD servant à acquérir les emprises nécessaires à la future ZAC.
Exemple : en vue de réaliser un technopôle de 50 hectares au nord de la ville, la métropole crée une ZAD sur un périmètre englobant des terrains agricoles et d'anciennes friches industrielles. Elle pourra ainsi préempter au fil de l'eau pour maîtriser le foncier, avant d'engager ultérieurement une ZAC.
La création d'une ZAD et ses motifs
Une ZAD peut être créée pour permettre la réalisation d'actions ou d'opérations d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L.300-1 du Code de l'urbanisme :
- Un projet urbain Une politique locale de l'habitat
- Le maintien, l'extension ou l'accueil d'activités économiques
- Le développement du tourisme et des loisirs
- La réalisation d'équipements collectifs
- La lutte contre l'insalubrité
- Le renouvellement urbain
- La préservation ou la remise en bon état d'espaces naturels
La liste est large mais pas illimitée : le projet doit présenter une certaine consistance, complexité et utilité publique. Une simple opération immobilière ou une réserve foncière sans affectation précise ne suffisent pas.
Deux autorités sont compétentes pour créer une ZAD, selon son objet et sa dimension :
- Le préfet, par arrêté, pour les ZAD à vocation économique d'intérêt national (grandes infrastructures) ou certains projets d'intérêt intercommunal.
- L'EPCI compétent (métropole, communauté urbaine ou d'agglomération), par délibération motivée de son conseil communautaire, pour les autres projets d'intérêt communal ou intercommunal.
La décision de création doit préciser le périmètre de la ZAD (parcelles cadastrales concernées) ainsi que sa durée (6 ans renouvelables).
Elle doit être motivée par l'intérêt général du projet, sa nature et sa localisation, sans pour autant détailler précisément son contenu (qui peut encore évoluer).
Elle doit faire l'objet de mesures de publicité : affichage en mairie, mention en caractères apparents dans deux journaux locaux, publication au recueil des actes administratifs.
Les effets et la gestion de la Zone d'Aménagement Différé
Une fois créée, la ZAD emporte plusieurs conséquences juridiques et pratiques :
- Elle confère à son titulaire (EPCI ou État) un droit de préemption sur l'ensemble des biens situés dans son périmètre, lors de chaque aliénation à titre onéreux (vente, échange, adjudication...). Ce droit s'exerce sans limitation de superficie (pas de seuil de 500 m² comme en droit de préemption urbain).
- Elle permet à la collectivité d'acquérir les terrains à un prix plafonné à leur valeur vénale un an avant la création de la ZAD, actualisé selon l'indice du coût de la construction. Les propriétaires ne peuvent donc pas spéculer sur la plus-value potentielle liée au projet.
- Elle n'interdit pas les transactions immobilières dans le périmètre mais oblige les propriétaires à notifier à la collectivité leur intention de vendre, par une déclaration d'intention d'aliéner (DIA). Celle-ci dispose alors de 2 mois pour préempter ou non, au prix et conditions mentionnés.
- Elle ne préjuge pas de la constructibilité future des terrains qui reste déterminée par le PLU en vigueur. En cas de préemption, la collectivité ne peut réaliser que des équipements publics ou des opérations temporaires.
- Sa durée initiale de 6 ans est renouvelable une fois par délibération motivée de l'autorité qui l'a créée, après bilan de l'action conduite et accord des communes concernées. Au-delà de 12 ans, toute nouvelle prorogation nécessite un décret en Conseil d'État.
Le droit de préemption au sein de la ZAD est exercé par son titulaire (EPCI ou État), mais peut être délégué conventionnellement à différents organismes selon l'objet du projet :
- Commune
- Établissement public y ayant vocation (EP foncier...)
- SEM
- Organisme HLM
- Concessionnaire d'une opération d'aménagement
- Établissement public de santé...
Chaque DIA reçue est instruite au cas par cas pour apprécier l'opportunité de préempter et le prix acceptable, en fonction de la stratégie foncière de la collectivité et de l'évolution du projet.
L'extinction et la suppression d'une ZAD
Une ZAD peut prendre fin dans plusieurs cas :
- Expiration de sa durée de validité (6 ans, 12 ans ou plus si prorogation par décret), sauf renouvellement exprès.
- Réalisation complète de l'opération qui a justifié sa création (plus de motif).
- Renonciation expresse de la collectivité qui l'a instaurée, par une délibération abrogeant la ZAD. Elle peut être motivée par un changement de projet ou de stratégie foncière.
- Annulation contentieuse par le juge administratif, pour vice de forme ou de procédure (défaut de motivation, d'avis...).
- Refus de prorogation par décret au-delà de 12 ans.
L'extinction de la ZAD fait disparaître le droit de préemption dans son périmètre. Celui-ci peut néanmoins être maintenu pendant 10 ans au profit de l'État, par décret motivé, pour la réalisation d'une action ou opération d'aménagement.
En pratique, de nombreuses ZAD créées dans les années 1960-70 subsistent aujourd'hui sans plus de justification, faute de suppression expresse par les collectivités. D'où l'utilité d'un "toilettage" périodique pour mettre fin aux ZAD devenues obsolètes, dans un souci de sécurité juridique et de lisibilité pour les administrés.
Guy Hoquet répond à vos questions sur les Zones d'Aménagement Différé
Toutes les ventes dans une ZAD sont-elles soumises à préemption ?
Combien de temps la collectivité a-t-elle pour préempter en ZAD ?
Un PLU peut-il instituer une ZAD ?
L'essentiel à retenir sur les Zones d'Aménagement Différé (ZAD)
- Une ZAD est un secteur délimité par décision administrative où s'applique un droit de préemption temporaire au profit d'une collectivité publique, pour la réalisation future d'une opération d'aménagement.
- Elle peut être créée par le préfet ou l'EPCI pour 6 ans renouvelables, afin de procéder à des acquisitions foncières progressives dans le périmètre, au prix plafonné à sa valeur initiale.
- Tout propriétaire doit notifier son intention de vendre à la collectivité qui a 2 mois pour préempter ou non, mais les mutations restent possibles.
- La ZAD prend fin à sa date d'expiration, par réalisation de l'opération, par renonciation expresse ou par annulation contentieuse. Un "nettoyage" des ZAD obsolètes est parfois nécessaire.
- La ZAD est souvent un préalable à la Zone d'Aménagement Concerté (ZAC) qui permet, elle, de concrétiser l'opération sur les terrains maîtrisés.
Outil d'anticipation foncière précieux pour les projets urbains de longue haleine, la ZAD suppose une réflexion stratégique et une veille active de la part des collectivités. Un "mode d'emploi" à bien maîtriser pour préempter sans précipitation !
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